Mozilla a annoncé vendredi un programme d’acquisition et de dépôt de brevets, avec l’intention de les placer immédiatement sous des licences libres virales, qui inciteraient les éditeurs de logiciels propriétaires à rejoindre le mouvement du libre. Explications.

Peut-on déposer des brevets pour la bonne cause ? Oui, si l’on en croit l’initiative annoncée vendredi par Mozilla. L’éditeur de logiciels libres célèbre pour son navigateur Firefox a présenté vendredi la Mozilla Open Software Patent Initiative, un programme par lequel la fondation prévoit de déposer elle-même des brevets logiciels, qui sont autorisés aux États-Unis contrairement à l’Europe. Mais « dès que nous obtiendrons ces brevets, nous les proposerons immédiatement sous licence sans paiements de droits à tous les nouveaux venus », précise-t-elle.

Des brevets, pour quoi faire ?

L’idée, qui pourrait soulever quelques polémiques dans la communauté du logiciel libre, est d’exercer une stratégie à la fois offensive et défensive au bénéfice des créateurs de logiciels libres.

Théoriquement, un brevet ne peut peut être accordé par les autorités publiques que si l’inventeur fait preuve d’originalité, ce qui demande qu’il n’ait pas d’antériorité aux inventions déposées. Le seul fait de publier un logiciel libre sur internet empêche donc qu’un auteur de logiciel propriétaire vienne déposer l’idée et en obtienne l’exclusivité, puisque son logiciel n’aura rien eu d’original.

Un principe génial pour libérer les développeurs du joug des brevets avec une licence virale

Mais en pratique, hélas, les bureaux de vérification des brevets comme le Patent Office américains sont débordés, manquent de moyens, et passent très souvent à côté des antériorités qui existent, et qui devraient conduire à refuser le dépôt d’un brevet. Il existe bien des procédures (renforcées depuis une réforme de 2006) qui permettent au public de s’opposer à la délivrance d’un brevet en raison de l’existence d’antériorités, et des outils collaboratifs sont mis en œuvre pour aider à trouver ces antériorités, mais nombre de brevets restent accordés abusivement. Ils peuvent alors être exploités pour faire pression sur des entreprises qui n’ont pas les reins assez solides pour faire invalider le brevet devant les tribunaux, même lorsqu’elles ont raison de considérer qu’il ne vaut rien.

Mozilla veut donc acquérir des brevets, ou en déposer elle-même, et les mettre sous une licence libre spécifique, la Mozilla Open Software Patent License (MOSPL). Elle autorise quiconque à utiliser les brevets obtenus par Mozilla, à condition qu’ils s’interdisent de poursuivre ou même de menacer de poursuivre en justice sur le fondement de leurs propres brevets. Mieux, la licence oblige le bénéficiaire à mettre leurs propres brevets sous cette même licence si ça leur est demandé, au bénéfice de tous ceux qui proposent leurs brevets sous licence MOSPL.

Le joug des brevets

Le principe est potentiellement génial pour libérer les développeurs du joug des brevets sur les logiciels, avec un effet viral qui pourrait fonctionner, à condition que des entreprises jouent le jeu.

Le mécanisme avait été inventé par Google lorqu’il a libéré les brevets sur le codec VP8 pour les verser au projet WebM, avec la même obligation de ne pas poursuivre en justice (mais uniquement les autres utilisateurs du brevet). L’idée a également inspiré Elon Musk pour offrir des brevets de Telsa.

Mozilla n’a pas précisé le budget qu’il consacrerait à ce programme.

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