Le Portugal a ouvert les bras pour accueillir le Web Summit. Les rives de la rivière du Tage ont vu débarquer des dizaines de milliers de personnes, pour le plus grand événement technologique de l’Europe. Nous y étions.

Lisbonne est la sœur de San Francisco

Fini Dublin : le Web Summit s’est amarré aux rives du Tage, à Lisbonne, au Portugal. « Lisbonne » est la ville sœur de San Francisco, avec plus d’histoire qu’un livre de George R. R. Martin, des téléphériques, des collines, des gens sympathiques, et une ambiance accueillante. Sans parler de l’immense pont suspendu, conçu par le même architecte du Golden Gate, dans la baie de San Francisco.

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Même nos heures passées en sirotant des mojitos et caipirinhas dans les rues de pierre serpentant le quartier Barrio Alto nous ont rappelé l’ambiance californienne. La nuit, les habitants et les touristes se mêlent dans les pentes des rues sinueuses, en échangeant des histoires et des expériences de vie.

Les mots et les gens circulent, créant une énergie qui bourdonne entre les bâtiments historiques et les bars modernes qui bordent les rues étroites. Je pense que la meilleure façon de « décrire » Lisbonne est de la comparer à une entité vivante. La ville incarne un personnage unique, de ses avenues marbrées de carreaux blanc à ses cathédrales. Lisbonne allie l’ancien et le nouveau, à la fois structurellement et culturellement.

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L’ambiance invite à l’ouverture et à la tolérance, que l’on rencontre rarement si facilement en seulement un week-end d’escapade. C’est dans cette ambiance que le Web Summit a ouvert ses portes, pour accueillir près de 53 000 personnes venues du monde entier.

Web Summit, version Lisbonne

L’année dernière, le Web Summit nous avait laissé un goût amer. Le salon est arrogant, ambitieux et bruyant. Et cette année encore, l’émulation autour du salon est énorme, malgré tous ses défauts. Toujours la même recette : des entreprises classées dans des catégories bien distinctes, Alpha, Beta ou encore Start. Les Alpha sont les plus à plaindre. L’espace à leur disposition, c’est environ la taille d’une cabine téléphonique, avec une petite pancarte sur du contreplaqué, un logo, 120 caractères pour décrire l’entreprise et de quoi poser un ordinateur portable.

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Environ un mètre et demi de long, et un mètre de profondeur : les startups sont disposées les unes à côté des autres, si proches même que les unes interpellent les discussions des autres sans trop le faire exprès. Et ces entreprises ne viennent pas du coin. Non, elles viennent du monde entier, principalement d’Europe, d’Afrique du Sud, de Russie, d’Inde, de Corée du Sud, de Chine, du Mexique ou du Brésil… Évidemment, la plupart d’entre elles ne présentent pas le moindre intérêt. Ces startups payent 2 000 euros pour 3 tickets d’entrée, et un stand disponible sur une des trois journées de l’événement.

L’ambiance n’a pas changé, nous sommes au monde du pay-to-pitch. La raison pour laquelle tout cela fonctionne, c’est la masse de personnes que le Web Summit a réussi à faire se déplacer. Les startup sont inévitablement mises en avant et cherchent par tous les moyens à se démarquer des concurrentes : un journaliste ou un investisseur pourra être littéralement traqué sur le salon, par SMS et via les réseaux sociaux. Mieux vaut s’y habituer.

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En seulement cinq ans d’existence, le Web Summit a su faire face à toutes les faiblesses et les frustrations d’un événement avec des dizaines de milliers de personnes. Les deux plus grands problèmes ne changent pourtant pas : le contrôle de la foule et les problèmes de connectivité. Fondamentalement, les gens ont besoin de se rendre à l’événement, et ensuite de communiquer une fois qu’ils y arrivent.

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Car le Web Summit est une expérience géante dans le marketing des influenceurs. On y croise pèle-mêle Bono ou Ne-Yo, Luis Figo, Ronaldinho aux côtés de Jack Dorsey (Twitter), Sean Rad (Tinder), Carlos Ghosn (Renault-Nissan), Maurice Levy (Publicis) et Palmer Luckey (Oculus).

Malheureusement, pour assurer la quantité, le Web Summit sacrifie beaucoup de profondeur. La plus impitoyable façon de voir le Web Summit serait de dire qu’il est devenu une machine de marketing superficielle destinée à mettre de l’argent dans les poches de ses fondateurs. Et cela ne serait pas faux. Mais d’un autre côté, la taille de l’événement en fait un environnement idéal pour le réseautage et ouvre de nombreuses possibilités pour les entrepreneurs. Le Web Summit est bon pour les affaires et bon pour le Portugal. Le pays a perdu depuis 2008 environ un quart de sa puissance économique et a désespérément besoin aujourd’hui d’idées et d’investissement.

Quoi de plus naturel, alors, que d’investir dans les nouvelles économies ?

L’auto-illusion de l’économie numérique

C’est en rentrant à Paris que je me suis aperçu que ce dont j’ai été témoin au Web Summit était la manifestation d’une grande illusion. Les startups ont appris ce que signifie l’« agilité », et pourquoi les inconvénients de la révolution numérique ne comptent pas. Elles ne veulent pas entendre quoi que ce soit d’autre, aucun discours qui pourrait remettre en question le modèle social qu’elles ont imaginé. Cette idée générale que les entrepreneurs font le bien, quoi qu’il arrive. Ces startups se considèrent comme représentantes de l’avenir novateur et perturbateur, tandis que ceux qui gémissent, représentent le passé.

Le Web Summit est comme la Silicon Valley : c’est une bulle. Et les gens dans cette bulle n’ont aucune idée qu’ils sont dans une bulle. Avec l’élection américaine et la victoire de Donald Trump, le retour à la réalité est brutal. Ce qu’ils ne réalisent pas, ou peut-être pas, est que la division ne représente pas nécessairement un simple affrontement entre progressistes et technophobes. Il y a, plutôt, en creux, un clivage toujours persistant entre ceux qui profitent de la révolution numérique et le reste du monde.

Et il serait grand temps, pour elles, de faire en sorte que ce clivage s’amoindrisse, car pour une grande partie du monde extérieur à l’univers de la startup, l’économie numérique commence à sentir mauvais — quand elle est seulement perceptible. Ce que montre la carte des électeurs, c’est que les états de la tech et des startups sont minoritaires. Jusqu’à aujourd’hui, la bulle ne s’en souciait guère : maintenant, déployer cette économie sur tout le territoire est une urgence.

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