Le scénario de la loi Création et Internet ressemble décidément beaucoup à celui de la loi DADVSI. Comme il y a trois ans, le vote d’un amendement surprise avive les tensions au sein du gouvernement et des lobbys culturels. Il y a trois ans c’était l’amendement pour la licence globale, qui a sauté avec l’article 1er de la loi supprimé du texte présenté en seconde lecture. Aujourd’hui c’est l’amendement 138 anti-riposte graduée adopté par le Parlement Européen, qui pourrait sauter avec toutes les dispositions relatives aux contenus. Et comme il y a trois ans, la Sacem et un ensemble d’organisations de lobbying de l’industrie musicale mettent en place une pétition en ligne pour appeler à l’adoption du projet de loi.
Comme au début de l’année 2006, la pétition à destination des députés est organisée en ligne. Elle ne demande que les nom, prénom, adresse e-mail et profession du signataire. En termes comptables, ça promet d’être un succès. Mais contrairement à la loi du genre qui veut que les noms et le nombre des signataires soit consultable en ligne à tout moment, pour vérifier qu’il n’y a pas de « tricherie » ou de faux signataires, la pétition est tenue à l’abris des regards. Elle n’exige pas non plus de vérification de l’e-mail inscrite.
Nous avons ainsi pu nous inscrire au nom de Tartanpion Duchemol, avec l’adresse [email protected], et obtenir immédiatement un message comme quoi « votre inscription a bien été enregistrée« . Sans autre vérification.
Un gage de fiabilité.
On ne saura donc pas, sur le nombre de signatures prétendues que présentera la Sacem aux parlentaires, quel pourcentage est valide (la pétition de SVM contre la loi Hadopi, qui a réuni plus de 35.000 signataires, ne prend pas non plus la peine de contrôler l’adresse e-mail, mais affiche pour contrôle la liste des signataires, et demande à remplir un captcha avant de valider le formulaire pour éviter les votes automatiques).
Que dire du message de la pétition en lui-même, qui demande aux députés et sénateurs d’adopter la loi Création et Internet au nom des auteurs, compositeurs et éditeurs, « pour assurer la juste protection de leurs droits et le respect de la valeur de leur travail« , et « pour concilier les atouts d’Internet et la diversité musicale« . Un flou total qui ne serait pas dérangeant si les signataires signaient l’appel en connaissance de cause. Or c’est la seule « information » fournie aux signataires, à qui un lien vers le texte du projet de loi n’est même pas proposé. Pour qui ne connaît pas les bonnes raisons de dire non à la loi Hadopi, la signature est rapide.
Les députés qui recevront cette pétition réaliseront peut-être l’imposture que constitue la démarche de la Sacem et de ses partenaires, et seront peut-être mobilisés par les artistes, nombreux, qui ne partagent pas les vues du Conseil d’administration de la Sacem.
« Personnellement, je suis artiste de musique électronique, je mix et je compose depuis presque 12 ans, et si aujourd’hui j’ai acquis une certaine notoriété qui m’as permis de mixer dans des clubs prestigieux comme le Queen à Paris, ou des events comme la Techno Parade, c’est uniquement grâce au P2P qui m’a permis de diffuser rapidement, mondialement, et à moindre coût, mes mixs de démonstration« , nous explique ainsi Eicko, qui a été invité à signer la pétition de la Sacem.
« Les maisons de disque n’ayant jamais évoqué le moindre intérêt pour ma musique et mes mixs, il était donc extrêmement logique de les distribuer gratuitement en P2P. Si je fais de la musique, ce n’est pas pour qu’elle prenne la poussière sur des rayons de « grande surface culturelle », mais pour que les gens l’écoutent.«
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