L’Autorité de Régulation des Mesures Techniques (ARMT) créée par la loi DADVSI pour réguler l’utilisation des DRM a présenté jeudi matin son premier rapport annuel, le dernier avant sa transformation en Haute autorité de diffusion et de protection des oeuvres sur Internet (HADOPI), en cas d’adoption de loi Création et Internet. En vingt mois de fonctionnement, l’Autorité n’a rendu aucune décision, et a constaté que les dispositions pénales de protection des DRM n’ont jamais été mises en oeuvres devant les tribunaux.

Mise à jour 17h07 : quelques imprécisions s’étaient glissées dans notre article : les deux décisions prises concernent l’élection du Président et la nomination du Secrétaire Général (et non d’un Vice-Président). L’ARMT ne s’est pas seulement  » rendue  » aux colloques, elle y est intervenue – les interventions sont présentes sur le site Internet de l’autorité. Concernant les systèmes informatiques, l’ARMT n’a pas  » commencé à mettre en œuvre « , elle a élaboré le cahier des charges. Enfin le budget de 184.000 € était destiné à couvrir les trois derniers trimestres de l’année 2007, le montant de dépenses n’aura été atteint qu’à la fin du premier semestre 2008 (personnel, locaux, autres frais de fonctionnement : évaluation en coût complet).

En créant un cadre juridique pour la protection des DRM, la loi DADVSI du 1er août 2006 avait souhaité confier à une autorité administrative le soin de veiller à l’équilibre des intérêts entre le respect des mesures techniques de protection et le respect des exceptions légales (en particulier la copie privée) reconnues aux utilisateurs. Installée le 6 avril 2007, l’Autorité de Régulation des Mesures Techniques (ARMT) s’est réunie 23 fois en séance plénière, a auditionné 12 personnes dans le cadre de sa mission d’observation des mesures techniques, et participé à 12 colloques, tables rondes ou séminaires. Mais elle n’a pas rendu une seule décision – sauf les nominations de son Président et Secrétaire Général, faute de saisine. Personne ne lui a demandé de trancher un problème d’interopérabilité ou d’abus de DRM pour lesquels la loi lui donnait compétence. C’est donc un rapport (.pdf) particulièrement pauvre qu’elle a remis ce jeudi au gouvernement.

« Faute d’avoir été saisie par les personnes habilitées à le faire, l’ARMT n’a rendu de décision ni en matière d’interopérablitié ni en matière d’exceptions « , se doit ainsi de reconnaître en préambule l’autorité, qui cherche des explications à son inutilité. « La problématique des mesures techniques de protection qui avait occupé une place centrale dans les débats de la loi DAVDSI a perdu une part de son acuité depuis que, dans le secteur de la musique spécialement, apparaissent de nouvelles offres libres de [DRM]« , constate d’abord l’ARMT. « D’autres résultent de difficultés inhérentes à l’application des textes, à la complexité de la procédure de saisine ou, encore, au risque pécuniaire que pourrait encourir le demandeur en cas de rejet de sa demande« .

Toutefois il n’est pas question pour l’autorité de souhaiter sa propre dissolution. Malgré un bilan vierge du côté des décisions administratives, son président Jean Musitelli estime que l’ARMT a su « trouver progressivement sa place dans un paysage institutionnel déjà densément peuplé en faisant la preuve de sa plasticité et de sa réactivité« . Il fait référence aux travaux préparatoires réalisés de longue date avec le ministère de la Culture, qui veut faire de l’ARMT la future Haute Autorité prévue par le projet de loi Création et Internet, l’Hadopi, qui devra mettre en œuvre la riposte graduée et labelliser les outils de filtrage proposés aux internautes.

« La courte vie de l’ARMT n’aura pas été vaine s’il s’avère qu’elle a contribué, dans le cadre de ses attributions, à préparer le terrain à une stratégie plus ambitieuse des pouvoirs publics, inspirée par la volonté d’introduire un principe de régulation dans la dynamique de développement de l’internet en vue de concilier l’accès du plus large public aux œuvres de l’esprit avec le respect des droits des créateurs et des valeurs de la culture« , estime ainsi M. Musitelli.

Pas d’abandon souhaité des DRM

Bien que la question des DRM ait moins d’intensité en 2008 du fait de son abandon partiel par les maisons de disques, l’Autorité tient à nuancer le propos. « D’abord, le phénomène ne s’étend pas à l’ensemble des industries culturelles mais concerne essentiellement le secteur de la musique« , rappelle à raison l’ARMT. « Ensuite, ce ne sont, au-delà des effets d’annonce, que certaines formes de mesures techniques particulièrement restrictives ou intrusives qui sont délaissées. Les ayants droit continuent de recourir en pratique à des mesures techniques, ne serait-ce que pour protéger l’accès à des services distants de téléchargement ou de diffusion à la demande« .

Toutefois au moins pour l’industrie musicale, l’ARMT reconnaît que « la mise en œuvre de systèmes de protection contraignants et non interopérables a constitué un obstacle manifeste au développement de l’offre légale, directement concurrencée par les réseaux de pair-à-pair sur lesquels circulent illégalement les mêmes contenus sans DRM« .

Mais elle se refuse à faire le même constat, pourtant évident, sur l’industrie cinématographique. Elle estime que les DRM sur les films jouent « un rôle déterminant dans le respect de la chronologie des médias« , alors-même que les films sans DRM pullulent sur les réseaux quelques jours ou quelques semaines après la sortie en salle des films. L’autorité assure que l’abandon des DRM sur les services de vidéo en ligne n’est pas à l’ordre du jour.

Concernant les jeux-vidéo, l’ARMT préconise d’informer clairement les utilisateurs de la présence de systèmes anti-copie, et de limiter leur action à ce qui est « nécessaire à l’effectivité des droits« .

Constatant par ailleurs que les mesures pénales adoptées pour protéger les mesures techniques de protection n’ont pas été utilisées devant les tribunaux, deux ans après l’adoption de la loi DADVSI, l’ARMT préconise de mieux préciser « la notion de mesure technique efficace« , « l’articulation entre exceptions et mesures techniques« , et « l’interopérabilité des mesures techniques« … c’est-à-dire l’ensemble des notions qui fondent le socle de la loi DADVSI. Autant de notions qui avaient été fortement critiquées lors du débat parlementaire, pour leur imprécision.

Appelée à devenir la future Hadopi, l’ARMT a élaboré le cahier des charges des systèmes de traitements informatiques requis par le dispositif de la riposte graduée. Il faut que « la saisine qui incombe aux ayants droit, la correspondance entre l’adresse IP et le titulaire de l’abonnement qui incombe aux FAI, et ce processus, soient opérationnels de façon synchronisée et dans les meilleurs délais possibles« , note ainsi l’autorité.

La société MC2i a été choisie le 15 octobre pour réaliser l’informatisation du processus, mais n’a semble-t-il pas encore commencé ses travaux.

Lors de la création de l’ARMT, le ministère de la Culture avait prévu un budget de 184.000 € pour les neuf derniers mois de l’année 2007. Le rapport ne dit pas si l’enveloppe a été dépassée, mais les dépenses informatiques réalisées pour préparer la mise en route de l’Hadopi dès la transformation effective de l’autorité n’avaient pas été prévues au budget initial. L’Hadopi, quant à elle, est dotée d’un budget de près de 7 millions d’euros.

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