En pleine crise de l’industrie disque, et alors que les ventes de fichiers MP3 sont loin de remplir leurs promesses, les ventes de vinyles explosent. Un phénomène qui bénéficie avant tout aux labels indépendants, loin d’être aussi alarmistes que les majors sur l’état du marché musical.

Il était promis à une mort certaine. Moins pratique à utiliser qu’un disque compact, plus fragile avec ses sillons qui se rayent à la moindre étourderie, et plus granuleux dans son rendu, le vinyle aurait dû mourir avec l’adoption massive du CD. Il prenait d’ailleurs de façon certaine la direction du musée pour y rejoindre les disques Victrola ou les 78 tours avant de faire finalement un retour inattendu, impulsé par des DJ qui ne les ont jamais véritablement quittés. Le disque vinyle séduit désormais également des consommateurs lassés par la froideur de la boîte plastique et la pureté trop industrielle du son renvoyé par les lecteurs CD. En ces temps de dématérialisation à l’extrême symbolisée par le MP3 et l’iPod, les amateurs retrouvent le goût de l’objet, des belles pochettes et du son plus chaud.

Aux Etats-Unis, Nielsen Soundscan a ainsi constaté une explosion du marché du vinyle en 2008. 1,88 millions d’albums sur disque vinyle ont été vendus l’an dernier outre-Atlantique. Un record jamais atteint depuis que Nielsen traque les ventes des ronds de plastique noir depuis 1991. Le précédent record avait été établi en 2000, avec 1,5 millions de LP vendus.

Alors que les ventes avaient progressé de 14 % entre 2006 et 2007, pour atteindre 990.000 exemplaires, elles ont quasiment doublé en un an. Dans le même temps, les ventes de CD continuaient de chuter pour passer de 553,4 millions de disques compacts vendus en 2006 à 360 millions en 2008. Les ventes de MP3, elles, ont progressé de 32,6 millions de fichiers vendus à 65,8 millions.

En France, le Syndicat National de l’Edition Phonographique (SNEP) minimise l’importance du phénomène. « Les chiffres définitifs de 2008 ne seront connus que la semaine prochaine mais la tendance serait en effet à une augmentation par rapport à 2007 et 2006« , nous confie le président du SNEP Hervé Rony. Toutefois « globalement le niveau des ventes baisse d’année en année« , tempère-t-il aussitôt. « On peut donc parler peut-être d’un léger rebond mais franchement ce marché est symbolique et fondamentalement marginal, voire anecdotique, sorti de quelques passionnés et du monde des DJ. On parle de moins de 200 000 unités« .

« Le dernier objet collector c’est le vinyle »

Un constat pessimiste que ne partage pas Grégory, qui a fondé il y a dix ans Toon’Z Shop, le numéro deux français de la vente de vinyles sur Internet. Ses ventes sont en constante progression depuis 10 ans, et le site a enregistré en 2008 environ 50 % de chiffre d’affaires en plus par rapport à 2007. « Le CD est bientôt mort, c’est nul, c’est un mauvais produit sur un mauvais plastique qui ne résiste pas au temps« , accuse-t-il. « Le MP3, c’est du virtuel. Le vinyle c’est le dernier objet qui tient dans le temps, c’est du vintage, c’est devenu un objet collector que les passionnés ont envie d’avoir chez eux« . C’est aussi un objet qui revient à la mode.

Si le SNEP ne compte que 200.000 vinyles vendus, c’est parce que « les trois quarts des disques vinyles sont produits par des labels indépendants » qui ne sont pas représentés par le Syndicat, rappelle Grégory. Surtout, ils sont produits dans l’ombre, sans déclaration à la Sacem. Lui-même producteur de musique électronique, Grégory ne travaille qu’avec des artistes ou des labels qui ne sont pas membres de la société de gestion collective. « Ca ne sert strictement à rien, ils font payer des centaines d’euros pour pouvoir presser un disque alors qu’on ne reçoit rien en retour puisqu’ils ne passent jamais à la radio. Si c’est pour faire gagner plus d’argent à David Ghetta, ça ne m’intéresse pas« , explique-t-il. Pourtant, ses artistes vivent très bien et ne connaissent pas la crise que dénonce l’industrie musicale depuis l’arrivée de Napster. « Beaucoup ont des salaires qui font rêver, ils vendent des disques et ils se produisent tous les week-end« .

En 2009, Toon’z Shop devrait se doter d’une plateforme de vente de fichiers MP3 et d’un site beaucoup plus communautaire, avec hésitation. La petite entreprise poitevine y va avec méfiance. « Ce qui fait la valeur du vinyle c’est l’objet et la rareté. Nous produisons nos disques en quelques centaines d’exemplaires et ensuite c’est fini, ils deviennent introuvables, c’est ce qui fait leur prix« . Les collectionneurs s’arrachent les nouveautés et veulent aussi collectionner les stickers conçus par le designer de Toon’z. « Au départ on les offrait gratuitement avec les albums mais aujourd’hui on en vient même à les vendre séparément comme des objets à part entière« .

Pour Grégory, le doublement des ventes de disques vinyles aux Etats-Unis est une excellente nouvelle. « En général ils ont toujours un peu d’avance sur nous. Ca fait quelques temps qu’on voit venir une explosion des ventes« .

Qui sait, après des années de baladeurs MP3, la platine vinyle sera peut-être le cadeau à la mode au prochain Noël ?

(illustration : Old Vinyl, CC by-nc 2.0, par fensterbme)

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