S’il prévient qu’il ne sera pas présent à l’Assemblée pour s’opposer à la loi Création et Internet, par respect pour son successeur (Franck Riester, le rapporteur de la loi Hadopi), Christian Vanneste rencontre ses collègues et dit volontiers pourquoi il ne votera pas le texte présenté par Christine Albanel. « Mon expérience m’amène à penser que toute loi dans ce domaine est vouée à l’échec« , nous confie ainsi le député du Nord, rapporteur en son temps de loi DADVSI, le précédent texte sur le droit d’auteur voté par le Parlement.
Il confesse, même, des regrets. « J’ai dit récemment que j’avais été un bon petit soldat la dernière fois« , rappelle Christian Vanneste, qui savait au moment-même où il défendait le texte à l’Assemblée Nationale que c’était une erreur. « Je venais de rencontrer Joël de Rosnay, qui a concouru à modifier le cours de ma pensée« , se souvient-il. « Mais c’était trop tard, il est arrivé à la fin des auditions ; si je l’avais rencontré plus tôt, ça aurait été différent« .
Christian Vanneste estime aujourd’hui que « la technique et les pratiques permises par la technique vont dépasser très rapidement les lois » sur ce sujet. En tant que libéral, il veut désormais laisser le marché trouver son équilibre, et pense que la solution ne viendra que par une baisse des prix, aujourd’hui trop proches des produits physiques vendus en magasin. Il reconnaît qu’à l’époque de la loi DADVSI, il n’avait pas encore pris conscience qu’au delà d’une opposition de façade entre le monde des créateurs et celui des consommateurs, c’est tout un monde qui changeait. « La notion même de créateur est dépassée« , constate le député, qui voit « la création collective » prendre de plus en plus d’importance. Difficile en effet de défendre la création et d’ignorer dans le même temps que les créateurs sont aussi et surtout désormais, les consommateurs eux-mêmes.
Sur le dispositif de la riposte graduée prévu par la loi Création et Internet, Christian Vanneste estime qu’il y a une différence fondamentale avec celui qu’il avait lui-même défendu avec la loi DADVSI. « Il fallait défendre toute la chaîne de la production, jusqu’aux entreprises culturelles, et la solution c’était par la punition, par l’amende« , rappelle le rapporteur. « C’était une peine personnalisée et liée à des faits précis. Or j’estime que la suspension de l’usage de l’abonnement à Internet est scandaleuse, c’est une sanction qui peut toucher toute une famille. Une peine ne peut pas être collective, elle doit être ciblée« .
M. Vanneste estime que « l’équilibre entre la sécurité et la liberté » est rompu par la surveillance qu’implique la riposte graduée. « Je fais souvent la comparaison avec la vidéo-surveillance, où la loi prévoit que la vidéo est obturée lorsqu’elle filme un espace privé. Mais sur Internet, où commence l’espace public et où se termine l’espace privé ?« , demande le député. « Il est essentiel de se poser la question« .
Finalement, il estime que les députés qui s’opposent au projet de loi Création et Internet « auront de très bonnes raisons de saisir le Conseil constitutionnel« . Il en sait quelque chose, lui qui a vu sa réponse graduée censurée par les sages.
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