Le putsh de décembre 2005 n’a pas eu lieu. Les députés socialistes, qui étaient parvenu par surprise à faire voter un premier volet de la licence globale par l’Assemblée Nationale à la veille de Noël, n’ont pas réussi à opposer leur « contribution créative » à la riposte graduée prévue par le projet de loi Création et Internet. Mais ils n’y croyaient tellement pas qu’ils n’ont pas pris la peine de demander de scrutin public. Le rejet s’est fait à main levée.
Patrick Bloche, pourtant, avait présenté des arguments pour justifier cette version aménagée de la licence globale. « Tout artiste qui ne souhaite pas entrer dans le dispositif de rémunération créative pourra se retirer du dispositif« , a-t-il ainsi insisté pour écarter l’argument de la spoliation avancée par le gouvernement et la majorité. Pour justifier que tous les internautes payent quelques euros par mois quel que soit les téléchargements qu’ils réalisent, il s’est appuyé sur le précédent de « la grande loi de 1985 (présentée par Jack Lang, ndlr) qui a créé la rémunération pour copie privée, basée sur une taxation uniforme des supports physiques et qui amène tout consommateur à payer cette rémunération quel que soit l’usage qu’il fasse de son support physique« .
« Quand vous payez la redevance TV, on ne vous demande pas de cocher France 2 ou France 3 si vous regardez TF1 ou M6« , a secondé Didier Mathus, qui a taclé également l’argument selon lequel la répartition serait impossible : « si vous êtes capables de mettre l’ensemble du net sous surveillance pour trouver le lycéen de Clermont-Ferrand qui télécharge un titre de MGMT, vous êtes capables de trouver (les clés de répartition) » de la rémunération créative. Didier Mathus a calculé qu’avec 2 euros par mois, c’est 400 millions d’euros qui seraient apportés chaque année à l’industrie musicale, contre zéro centime apportés par la riposte graduée.
Peine perdue. C’est « le retour de la licence globale, j’émets un avis très défavorable« , a scellé la ministre de la Culture, soutenu par la majorité.
Par ailleurs, les députés ont également rejeté un amendement présenté par le centriste Jean Dionis du Séjour, qui proposait d’instaurer « une licence collective étendue » pour les plateformes commerciales qui souhaitent pouvoir accéder aux catalogues des maisons de disques. Actuellement, elles doivent négocier avec chacun des producteurs, ce qui limite drastiquement le nombre des entrants sur le marché, concentre l’offre et fait dépenser beaucoup d’argent et d’énergie dans des négociations qui pourraient être évitées, au bénéfice d’une amélioration de l’offre et de l’innovaiton. L’amendement visait donc à étendre aux plateformes de streaming le régime de la licence légale appliqué sur les radios, qui permet à toutes les stations FM de diffuser toute la musique qu’ils souhaitent sans avoir à négocier l’autorisation préalable, mais en s’acquittant de la « rémunération équitable » négociée par des accords interprofessionnels.
Là aussi, peine perdue. « C’est prématuré« , a estimé la ministre. « Ce projet de loi vise à mettre en place un environnement sécurisé qui permettra que toutes ces offres nouvelles, diversifiées, puissent trouver leur modèle économique« , a rappelé Frank Riester, le rapporteur du texte. « Laissons-nous le temps de voir comment les sociétés trouveront leur modèle économique sur Internet« .
« Naïf, Dionis du Séjour avait cru que ce projet de loi devait favoriser l’émergence d’une offre légale sur Internet« , s’est alors amusé Didier Mathus.
« On en viendrait à croire que vous n’êtes pas autre chose que le Syndicat de défense des majors du disque« , a lancé le député socialiste à Christine Albanel, qui a également rejeté des amendements visant à prévoir une participation des artistes interprètes aux revenus publicitaires des plateformes comme Deezer, à présenter un rapport sur la création d’un fonds en faveur de la création musicale, à prévoir une obligation d’affichage de la part reversée aux auteurs sur le prix de vente des biens culturels. ou encore à obliger les plateformes à fournir des statisitques détaillées pour une meilleure répartition des rémunérations.
Le rapporteur a rappelé sa philosophie : « ce projet de loi ne vise pas à remettre à plat toutes les répartitions de revenus entre les ayants droit, mais à developper les revenus globaux de l’offre légale ».
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