C’est sans doute à l’extrême limite de la légalité, mais quel artiste en mal de reconnaissance osera s’opposer à une maisons de disques comme Universal qui lui promet un pont d’or vers les canapés rouges de Michel Drucker ? Selon un modèle de contrat publié par PC Inpact, Universal Music impose désormais aux artistes de céder « le droit exclusif, et ce pendant la durée du présent contrat, de déposer et d’enregistrer son nom et/ou son pseudonyme suivi de la terminaison.(XXX) ou toute autre appellation dérivée » (c’est-à-dire l’ensemble des .com, .net, .fr, etc.). Le droit moral de l’artiste est pourtant incessible, et l’on peut se demander à quel point une clause qui donne à Universal le droit de contrôler jusqu’au nom de domaine de l’artiste n’est pas abusive.
Tout comme celle qui prévoit selon notre confrère qu’Universal reverse seulement 8 % des revenus publicitaires issus de l’exploitation de son site web à l’artiste, lorsque les ventes de disques sont inférieures à 100.000 exemplaires (ce qui est de très loin le cas le plus général dans l’industrie). Et bien entendu, l’artiste n’a pas le droit d’exploiter en son nom son propre site, sans reverser à Universal la part qui lui reviendrait d’après le contrat.
Mais il y a mieux encore, et c’est sur ce point que les artistes devraient se méfier le plus. Car si Trent Reznor a pu quitter Universal il y a deux ans et utiliser son « fichier clients » pour dynamiser sa communauté et devenir aujourd’hui l’acteur le plus innovant dans l’industrie musicale, le contrat donne aujourd’hui la possibilité à Universal de s’approprier la communauté de l’artiste. Il prévoit en effet que l’artiste « reconnaît, sans restrictions ni réserves, que la SOCIETE (Universal, ndlr) est seule propriétaire du Site ARTISTE, en particulier de tous éléments, de toutes informations relatives à ses usagers ainsi que de tous droits qui y sont attachés de manière directe ou indirecte« . Toutes les bases de données d’adresses e-mail de fans collectées par Universal, tous les messages des forums officiels des artistes, toutes les images ou vidéos postées par la communauté restent ainsi la propriété d’Universal Music, qui n’a pas a priori l’obligation de les rétrocéder à échéance du contrat.
On comprend mieux, dans ces conditions, pourquoi les artistes des grandes maisons de disques négligent à ce point leur site Internet, qui reste la plupart du temps une simple vitrine en Flash, alors qu’il devrait être au coeur de leur stratégie de communication. En imposant des clauses léonines aux contrats de ses artistes, Universal bride leur innovation, mais aussi l’innovation de leurs fans. Un mauvais calcul. Un de plus.
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