Tout va bien en République Française. Depuis mars 1986, le député et ancien ministre socialiste Jack Lang a été élu député à 5 reprises. Son activité parlementaire est devenue une légende, au sens figuré, comme au sens propre. Il suffit pour s’en convaincre de regarder la fiche de Jack Lang sur le site de l’Assemblée Nationale et de regarder son activité depuis les dernières élections législatives :
- Nombre de questions au gouvernement : zéro ;
- Nombre de propositions de loi dont il est l’auteur : zéro ;
- Nombre de rapports : zéro ;
- Nombre d’interventions en séance : zéro ;
- Nombre d’interventions en réunions de commission : deux (le même jour)
Accablant ? Rassurez-vous, M. Lang est en revanche le champion des questions écrites, qui ne demandent pas de se déplacer à l’Assemblée et d’affronter un ministre dans une joute orale. Le député a ainsi écrit 91 fois au cours de la dernière législature. Un amoureux de la plume. Il faut dire qu’en pratique les questions écrites des députés se contentent de relayer les inquiétudes des groupes de pression ou des habitants influents de leur circonscription, qu’ils – ou leurs assistants – reçoivent. Puisqu’une réponse est obligatoire de la part des ministères, elles permettent de rendre compte d’une activité qui semble prolifique et satisfaisante aux yeux des électeurs. Un retour sur investissement maximal.
A titre de comparaison, la députée Verts Martine Billard (très active contre l’Hadopi) compte seulement 26 questions mais 11 posées directement dans l’hémicycle. Elle est intervenue 122 fois en séance, 47 fois en commission, est l’auteur de 4 propositions de loi, et d’un rapport. Le socialiste Christian Paul, lui aussi très actif contre l’Hadopi, a posé 16 questions dont 4 orales, est intervenu 65 fois en séance, et 33 fois en commission. Faites le test avec votre député(e), vous pourriez avoir des surprises.
Mais M. Lang a toutefois décidé de faire honneur à ses électeurs et de se rendre enfin à l’hémicycle pour s’y exprimer et même voter. « Sur la loi internet, je m’exprimerai pour le texte, contrairement aux autres députés socialistes« , a ainsi assuré le député à l’agence Associated Press. Formidable.
Quelques mois après avoir fait basculer par sa voix discordante le vote en faveur de la révision constitutionnelle en promettant qu’elle rééquilibrait les pouvoirs en faveur du Parlement alors que le réexamen express de la loi Hadopi est en passe de montrer tout le contraire, le député s’apprête à faire à nouveau dissidence en votant pour la loi Création et Internet.
Quand on a été ministre de la Culture, on le reste à vie.
« Je forme le voeu (…) que ce texte assure le respect des droits de tous les partenaires de la création, aujourd’hui bafoués par le piratage des œuvres, ainsi que le juste équilibre entre les droits des auteurs, des artistes et des producteurs, et les préoccupations légitimes des internautes« , avait indiqué Jack Lang le mois dernier en appelant les députés socialistes à voter en faveur du texte.
Il aurait peut-être fallu qu’il se rende rien qu’une seule fois dans l’hémicycle et entende les arguments des adversaires de la loi pour comprendre que le texte qu’il s’apprête à voter bafoue le juste équilibre entre le droit des artistes et les préoccupations légitimes des internautes.
On a l’audace et le courage qu’on peut.
Le Parti Socialiste ne peut pas avoir celui d’exclure pour absentéisme et trollage aigu un notable qui atteint encore selon le dernier sondage Ifop/Paris-Match 67 % d’opinion favorable.
Tout va bien en République Française.
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