C’est l’effet inattendu de l’avis du Conseil constitutionnel. En affirmant que « Internet est une composante de la liberté d’expression et de consommation« , le Conseil a hissé l’accès à Internet au rang d’une liberté fondamentale, alors-même que le gouvernement l’avait refusé avec acharnement pendant des mois.
La France avait été jusqu’à paralyser l’Europe et son Paquet Télécom après que les députés européens ont voté, par 88 % des voix, l’amendement Bono qui affirmait qu’aucune « restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux (d’internet) ne doit être prise sans décision préalable de l’autorité judiciaire« . Nicolas Sarkozy avait supprimé d’autorité cette disposition lorsqu’il présidait l’Union Européenne, et il a fallu l’acharnement du Parlement Européen – sous la pression des internautes – pour que l’amendement fasse son retour.
Mais la France a convaincu les Etats membres de bloquer l’adoption du Paquet Télécom tant que l’amendement Bono y figurerait. Le Conseil des ministres doit se réunir demain vendredi 12 juin, pour sans doute rejeter le Paquet Télécom avec son amendement Bono, et renvoyer la patate chaude en conciliation au mois d’octobre. Ce qui retardera d’autant l’application du Paquet Télécom, dont les enjeux pèsent plusieurs milliards d’euros.
Dans ce contexte, la Commission européenne, anxieuse de voir le Paquet Télécom s’appliquer au plus vite, s’est félicité de la position affirmée par le Conseil constitutionnel, qui paralyse la France. Bruxelles estime que le Conseil constitutionnel a réaffirmé que « la liberté d’expression inclut aussi la liberté d’exprimer des opinions et de recevoir de l’information par internet, et que cette liberté peut seulement être restreinte avec l’autorisation d’un juge« .
La Commission y voit une « clarification » qui doit permettre au Conseil de débloquer l’adoption de la réforme des réglementations européennes en matière de télécoms. « Nous invitons les Etats membres (de l’UE) à analyser cet arrêt avec beaucoup de prudence et à réfléchir » pour savoir s’ils peuvent « maintenant aussi faire le dernier pas et se mettre d’accord » sur la réforme des télécoms« , a demandé le porte-parole de la Commission pour les nouvelles technologies, Martin Selmayr.
Contacté par Numerama, une source proche du dossier nous explique cependant que pour le Conseil, l’amendement Bono devrait rester une question hautement politique, qui dépasser largement le cadre de la riposte graduée.
Nicolas Sarkozy a convaincu ses homologues qu’ils ne pouvaient pas laisser le Parlement Européen – qui n’a pas l’initiative des lois – installer un précédent qui inciterait les députés à user davantage de leurs pouvoirs, contre les Etats membres.
« Le Conseil ne veut pas que l’amendement Bono soit un précédent qui amène le Parlement Européen à s’occuper de ces « affaires personnelles » sur d’autres sujets intérieurs lors de la prochaine législature« , nous indique ainsi notre interlocuteur.
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