Le Président de la République avait prévenu de son souhait d’aller « jusqu’au bout » dans l’adoption de la riposte graduée et de la loi Hadopi, malgré le coup de poignard reçu du conseil constitutionnel. Les députés de l’opposition ont bien entendu, et veulent voir où se situe « le bout » de Nicolas Sarkozy. Alors que les sénateurs n’avaient déposé qu’une dizaine d’amendements au projet de loi Hadopi 2, ce sont déjà 536 amendements que les députés ont rédigé pour l’examen du projet de loi relatif à la protection de la propriété littéraire et artistique sur Internet.
L’objectif est clairement de faire obstruction à l’adoption du texte dès cette semaine. Les travaux doivent débuter ce mardi à 9h30 pour s’achever sans doute très tard dans la nuit de jeudi, à la clôture de la session parlementaire. La nouvelle session ne reprendra qu’en septembre et est en principe consacrée aux gros morceaux comme les projets de loi de finances. En choisissant de jouer l’obstruction, les députés socialistes veulent faire d’une pierre deux coups : reporter la fin des débats à la rentrée parlementaire où le bénéfice politique d’une nouvelle victoire au Conseil constitutionnel sera le plus fort, et braquer les projecteurs médiatiques sur un projet de loi qui n’intéresse pour le moment pas grand monde.
Parmi les 536 amendements déposés, on note un très grand nombre de doublons qui seront éliminés par les services de l’Assemblée Nationale. Mais aussi beaucoup d’amendements de fond, ou d’autres beaucoup plus fantaisistes.
Le projet de loi étant censé protéger les créatifs, les députés ont décidé de l’être. Ils ont ainsi multiplié les amendements proposant de renommer le projet de loi. Copié-collé de nombreuses fois, l’amendement 372 propose par exemple d’intituler Hadopi 2 « Projet de loi visant à amplifier et aggraver les erreurs de la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet« . Le 417 propose de l’appeler « projet de loi visant à ignorer la nécessité de créer un nouveau modèle économique de soutien à la création« . Le 401 est dans le même esprit : « Projet de loi visant à exclure toute adaptation du droit d’auteur à l’ère numérique« . Dans son amendement 42, le très populaire Jean-Pierre Brard suggère lui de renommer le texte en « projet de loi tendant à préserver le patrimoine des artistes redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune et à leur faciliter l’accumulation du capital« . Ca promet une bonne ambiance au Palais Bourbon mardi.
Parmi les amendements plus sérieux proposés, on notera l’amendement n°9 de Lionel Tardy, co-signé notamment par Christian Vanneste et Jean Dionis du Séjour, qui propose de supprimer la mention relative aux communications électroniques dans la partie sanction, dont nous avions relevé l’effet pervers.
Dans un amendement n°2, Jean Dionis du Séjour propose par ailleurs de « remplacer la sanction de suspension par une amende proportionnée à l’infraction constatée« , de première classe. Mais il laisse à l’abonné le soin de démontrer son innocence, ce qui ne résout pas le problème posé par le projet de loi.
L’amendement n°14 propose de supprimer l’article 3 bis, jugé « lourdement inconstitutionnel » par MM. Tardy, Vanneste, Dionis du Séjour et consorts. C’est cet article qui crée le délit de « négligence caractérisée » à l’encontre du titulaire de l’abonnement à internet plusieurs fois averti par l’Hadopi. « Cet article ne manquera pas d’être censuré par le conseil constitutionnel s’il est saisi. Il est de notre devoir de parlementaire de voter une loi qui soit conforme à la constitution. C’est pourquoi il est nécessaire de supprimer cet article dont l’inconstitutionnalité est flagrante« , défendent les parlementaires dans les motifs de l’amendement.
Les socialistes ont quant à eux re-déposé des amendements qu’ils avaient déjà défendu sans succès avec l’Hadopi 1. Par exemple le 249 propose d’informer le consommateur « par voie de marquage, étiquetage ou affichage (…) de la part revenant à la création sur le prix de vente ». L’amendement 106 propose que le montant de l’abonnement que continue à payer l’abonné suspendu soit intégralement reversé à un fonds de soutien à la création.
Bien sûr, beaucoup d’amendements visent également à durcir les conditions du recours au juge, en éliminant par exemple la procédure de l’ordonnance pénale qui est vivement contestée.
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