L’énième marathon législatif destiné à réprimer le téléchargement en France est arrivé à son terme. Ou presque. Vendredi, après 40 heures de débat, l’Assemblée a terminé l’examen des treize articles du projet de loi de protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet (Hadopi 2). Mais conformément à ce qui avait été annoncé en début de semaine, le vote solennel n’aura lieu qu’à la mi-septembre, à l’ouverture de la prochaine session parlementaire.
Dans l’attente, chaque camp essayera de mobiliser le maximum de députés pour voter pour le texte, ou pour voter contre, par la main (un vote actif) ou par les pieds (une absence au moment du vote).
Les députés ont ainsi validé cette semaine chacun des articles, qui prévoient en substance :
- Que les agents de l’Hadopi, autorité administrative, auront des prérogatives de police judiciaire pour constater d’après les relevés effectués par les ayants droit les téléchargements illégaux et transmettre des dossiers au parquet ;
- Que le téléchargement illégal réalisé par Internet est passible au maximum d’un an de suspension de l’abonnement à Internet, d’une peine de trois ans ans d’emprisonnement, de 300.000 euros d’amende, et du paiement de dommages et intérêts ;
- Que l’abonné dont l’accès à Internet, malgré un avertissement reçu par courrier recommandé, aura été utilisé pour télécharger illégalement, est passible d’une contravention de 3750 euros pour « négligence caractérisée » et d’une peine d’un mois de suspension de l’accès à Internet s’il n’a pas sécurisé son accès « en bon père de famille » ;
- Que la procédure pénale utilisée par défaut sera l’ordonnance pénale, une procédure écrite par juge unique sans jugement contradictoire, en principe basée sur des preuves réputées fiables (sic), à moins que l’une ou l’autre des parties, ou le parquet, demande un jugement devant le tribunal correctionnel ;
- Que l’abonné dont l’accès est suspendu continue de payer son abonnement pendant la période de suspension ;
- Que la personne condamnée sera condamnée à 3750 euros d’amende s’il s’abonne chez un FAI concurrent pendant la période de suspension ;
- Que les juges auront à trouver eux-mêmes l’équilibre entre protection des droits d’auteur et protection des droits des internautes lorsqu’ils prononceront la suspension de l’accès à Internet ;
- Qu’ils devront même juger de l’interopérabilité ou non des moyens de sécurisation labellisés par l’Hadopi.
« Le Président a eu raison de vouloir aller jusqu’au bout car il est urgent de défendre les droits d’auteur dans notre pays« , a défendu en conclusion vendredi le rapporteur Frank Riester, en rejetant un amendement qui proposait de renommer le texte en « projet de loi visant à » aller jusqu’au bout » en instaurant une » justice TGV « « .
« Monsieur Riester, de qui vous moquez-vous ?« , lui a rétorqué Patrick Bloche. « Cela fait sept ans que vous êtes au pouvoir. En 2005-2006, nous avions eu la loi DADVSI. La loi a été votée, censurée en partie par le Conseil constitutionnel, promulguée, jamais appliquée. Ensuite Hadopi 1. En novembre 2007, les accords Olivennes. Nous sommes en juillet 2009. Bravo pour l’urgence. Le projet de loi Hadopi 1 est venu au Sénat en octobre 2008, et à l’Assemblée nationale seulement en mars 2009. Le temps perdu entre mars et juillet est quand même très court par rapport aux sept années« .
« Plus que jamais nous vous le disons, vous faites fausse route« , a-t-il conclu. « Nous savions que nous allons être battus à l’arrivée, mais nous avons mené la bataille sans fléchir parce que c’est la liberté de communication, d’accéder au partage des œuvres culturelles, qui est en jeu », a proclamé pour sa part Jean-Pierre Brard. « La bataille n’est pas terminée. Avec vous nous allons la continuer« .
Le texte doit désormais être adopté par un vote solennel lors de la session de septembre, et sera étudié en commission mixte paritaire (CMP) pour concilier les points de divergences avec le Sénat. Les députés socialistes ont déjà prévenu qu’ils saisiraient ensuite le Conseil constitutionnel contre le projet de loi, et le Conseil d’Etat contre les décrets et circulaires que doit publier le gouvernement. D’ores et déjà, il est certain que soit le texte sera censuré, soit il sera de toute façon inapplicable et inappliqué tant les problèmes sont nombreux (fragilité des preuves, encombrement du parquet, responsabilité exorbitante placée sur les épaules des juges dans la définition des sanctions, …).
De quoi assurer une saison supplémentaire à la série Hadopi. Une série qui commence sérieusement à perdre son souffle malgré l’introduction de nouveaux personnages…
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