Tout cela va désormais beaucoup trop loin. On le savait déjà. Le droit d’auteur était à l’origine conçu pour permettre aux auteurs de se défendre face aux éditeurs. Mais au fil des siècles et des technologies, et plus particulièrement ces dernières années les éditeurs (maisons de disques, studios de cinéma, …) ont fait du droit d’auteur une arme des auteurs contre le consommateur. Celui-là même qu’à d’autres périodes on appelait encore « le peuple » sans crainte de paraître… populiste. Or l’Histoire enseigne que lorsque le peuple se sent oppressé, il finit toujours par l’emporter. Ca n’est qu’une question d’années, mais il finit toujours par gagner et se libérer. Il en ira de même avec le piratage.
Les éditeurs, au nom soit-disant de la défense des petits auteurs que l’on entend jamais mais qui « eux souffrent du piratage », ont exigé la riposte graduée. Ils viennent de l’obtenir en France et espèrent l’importer en Grande-Bretagne, où les artistes s’opposent entre eux. Dans cette sombre bataille, la chanteuse Lily Allen avait décidé de prendre la tête du mouvement des pro-Hadopi. Contre les artistes de renom réunis au sein de la Featured Alliance Coalition (FAC), Lily Allen avait monté un blog intitulé « It’s Not Alright » pour expliquer aux pirates et aux artistes qu’il est intolérable de téléchargement librement la musique des artistes, et pour soutenir la riposte graduée.
Evidemment, lorsque l’on porte ce genre de message, mieux vaut s’assurer d’être blanche comme neige dans le respect du droit d’auteur. Ce qu’elle n’a d’abord pas fait en reproduisant un texte sans autorisation et sans citer la source, puis lorsqu’il a été découvert qu’elle avait elle-même distribué il y a cinq ans des mixtapes pirates sur son site, qui étaient toujours disponibles en téléchargement ce matin.
De plus, Lily Allen s’est pris les foudres de ses propres fans, pas très heureux de la voir soutenir l’idée que ceux qui favorisent la distribution de ses chansons (c’est-à-dire qui font sa publicité par passion pour ce qu’elle crée) devraient voir leur accès à Internet coupé. Son blog a donné lieu à un véritable déluge de critiques, lui rappelant que ça n’était peut-être pas aux internautes de s’adapter au droit d’auteur, mais davantage aux auteurs de réaliser que le droit d’auteur n’était pas adapté aux internautes.
Pire, pour justifier que ses mixtapes furent mises en ligne par elle il y a cinq ans pour se faire connaître, Lily Allen a expliqué qu’elle « n’avait pas connaissance des rouages de l’industrie musicale à l’époque« . La pire des explications possible. Elle ne se souciait pas du droit d’auteur jusqu’à ce que ça la fasse vivre, mais les millions d’internautes qui n’en font pas leur métier devraient voir leur accès à internet coupé s’ils ne savent pas qu’une œuvre ne peut pas être téléchargée librement. Intenable.
Oppressée, sentant bien que sa position ne pouvait plus être défendue, Lily Allen a décidé de fermer son blog. Tous les billets et tous les commentaires en ont été supprimés. « Je suis fière du fait d’avoir été impliquée dans ce débat, mais je passe la main à d’autres artistes« , a fait savoir la chanteuse sur Twitter.
Pire, elle a décidé de mettre un terme à sa carrière. « Je ne ferai plus de disques« , a annoncé Lily Allen sur son blog avant de le fermer. « Les jours où je gagnais de l’argent avec l’industrie musicale sont derrière moi, donc je ne profiterai pas de la loi (antipiratage)« , a-t-elle ajouté.
Triste, quoi que l’on pense de son talent et des œuvres. Peut-être changera-t-elle d’avis, il faut l’espérer.
Triste, parce que la carrière d’une artiste est rompue non pas de la faute d’Internet ou du piratage, mais bien par la faute des grandes maisons de disques qui par leur obsession malsaine d’un contrôle absolu de la distribution des œuvres font s’opposer les artistes et leur public dans un combat à mort où l’on sait pourtant déjà, s’il ne devait en rester qu’un, qui serait celui là.
Victor Hugo l’avait très bien dit il y a plus d’un siècle lors de son discours d’ouverture du Congrère littéraire international, en 1878 : « Le livre, comme livre, appartient à l’auteur, mais comme pensée, il appartient€le mot n’est pas trop vaste€au genre humain. Toutes les intelligences y ont droit. Si l’un des deux droits, le droit de l’écrivain et le droit de l’esprit humain, devait être sacrifié, ce serait, certes, le droit de l’écrivain, car l’intérêt public est notre préoccupation unique, et tous, je le déclare, doivent passer avant nous.«
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