Un décret définissant les conditions d’exercice du statut d’éditeur de presse en ligne prévoit l’obligation pour les éditeurs de mettre en place des dispositfs de signalement des contenus illicites, et de les retirer promptement.

Nos respectés confrères de PC INpact se sont émus ce vendredi matin d’une disposition du décret « pris pour application de l’article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse« . Dans son article 1er, le texte dit que « sur les espaces de contribution personnelle des internautes, l’éditeur met en œuvre les dispositifs appropriés de lutte contre les contenus illicites. Ces dispositifs doivent permettre à toute personne de signaler la présence de tels contenus et à l’éditeur de les retirer promptement ou d’en rendre l’accès impossible« .

Nos confrères ont cru voir dans cette disposition, il est vrai soupçonnable, une obligation pour la presse en ligne de « modérer tous les commentaires illicites« , « clôturant la réaction des Internautes en temps réel et la spontanéité« .

Or il nous semble qu’il y a là erreur d’interprétation. Rappelons que le régime des éditeurs de presse en ligne résout une difficulté du droit des sites de presse, qui transpose pour les éditeurs de presse le régime favorable applicable aux hébergeurs et fournisseurs d’accès à Internet. Un régime défini par la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN).

L’éditeur est par principe considéré non responsable des contenus publiés sous l’initiative de ses contributeurs. Il n’a donc pas d’obligation de modérer a priori les contenus, ce qui est un progrès considérable pour la presse et la liberté d’expression des utilisateurs. Mais ce régime favorable a une contrepartie logique, que l’on ne saurait reprocher au gouvernement.

L’éditeur de presse n’est en effet pas responsable, sous réserve toutefois qu’il a agit promptement pour retirer les contenus illicites ou en rendre l’accès impossible dès lors qu’il en a eu connaissance. Le gouvernement oblige donc les sites de presse qu’il protège juridiquement à mettre en œuvre des « dispositifs appropriés » pour permettre à chacun de lui signaler les contenus pouvant poser problème. L’éditeur qui ferait tout pour ne pas pouvoir être informé de la nature des contenus qu’il publie ne pourrait pas prétendre dans le même temps à une irresponsabilité totale. C’est une contrepartie on ne peut plus légitime.

Reste à définir ce qu’est un « contenu illicite« , pour décider s’il doit être supprimé ou non. Comme le note PC Inpact, la LCEN parlait de « contenu manifestement illicite ». Notre confrère pense que parce que l’adverbe a disparu, « l’éditeur de presse en ligne doit être juge et supprimer toutes les mentions diffamatoires présentes dans les commentaires« . Or c’est exactement l’inverse !

En ajoutant l’adverbe « manifestement », la LCEN avait induit une responsabilité des hébergeurs de « ressentir » la qualité licite ou illicite des contenus, en anticipant le jugement de l’ordre judiciaire. Ce qui paraît « manifestement » illicite au regard des hébergeurs doit être retiré sans attendre un jugement.

Or avec cet adverbe en moins, il n’y a plus de doute possible. C’est le juge et uniquement le juge qui peut décider de la licéité d’un contenu. Le jugement personnel n’a plus sa place. Il est même extrêmement étrange que le gouvernement ait fait une telle erreur de rédaction, en redonnant au juge l’exclusivité de décider si un contenu doit être ou non retiré, parce qu’il aura été jugé illicite.

Aucun éditeur ne sera condamné pour ne pas avoir retiré un contenu dont il ne pouvait pas décider souverainement qu’il était « illicite », et dont il n’avait pas à décider s’il pouvait être éventuellement « manifestement » illicite.

C’est donc un régime extrêmement protecteur qu’assure le décret signé par Frédéric Mitterrand et Eric Woerth. Sans doute trop protecteur au regard des intentions, qui étaient sans doute plus proches de l’analyse qu’en fait PC Inpact.

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