Les téléphones mobiles sont-ils trop compliqués pour le consommateur lambda ? C’est ce qu’estime son inventeur, l’américain Martin Cooper. L’ancien responsable de l’équipe d’ingénieurs à l’origine de l’appareil considère en effet que les produits proposés de nos jours comportent beaucoup trop d’options et de fonctionnalités pour être vraiment efficaces. « Lorsque vous concevez un dispositif universel qui fait tout et pour tout le monde, celui-ci ne fait finalement rien de bien » a-t-il ainsi déclaré lors d’une conférence privée à Madrid, la semaine dernière.
« Je pense que l’avenir sera plutôt aux appareils spécialisés qui mettent l’accent sur une tâche ou une fonctionnalité particulière permettant d’améliorer significativement notre quotidien » a-t-il prédit, en critiquant au passage les téléphones portables proposant des appareils photos ou des fonctionnalités musicales, comme l‘iPhone d’Apple. « Le premier téléphone mobile pesait d’ailleurs plus d’un kilo et vous ne pouviez parler qu’une vingtaine de minutes avant d’avoir un problème de batterie… ce qui n’est pas plus mal, parce que vous n’auriez pas été capable de le tenir beaucoup plus longtemps » s’est amusé à rappeler le natif de Chicago.
Cependant, les chiffres de vente actuels semblent contredire les affirmations de l’ancien ingénieur. The Telegraph se fait ainsi l’écho d’une étude de GfK, un institut d’études marketing, qui a compilé des données provenant de différents pays européens, dont le Royaume-Uni, la France, l’Italie, l’Allemagne et l’Espagne. Le constat est clair : les consommateurs sont davantage intéressés par les appareils capables de remplir différentes tâches et de proposer plusieurs fonctionnalités, plutôt que d’opter pour un téléphone « basique ».
L’année dernière, les ventes de téléphones mobiles ont ainsi chuté de 10 %, tandis que les smartphones ont crevé le plafond, avec une hausse de plus de 140 %. Les appareils vendus alors sont passés de 3 810 097 à 9 129 868. Aaron Rattue, l’un des principaux responsables de GfK, a d’ailleurs souligné que les smartphones représentent désormais près d’un appareil vendu sur dix. « Le marché a plus que doublé en taille ces douze derniers mois » conclut-il.
Même son de cloche chez Jon Agar, maitre de conférence en sciences et en technologie à l’Université College de Londres. Pour lui, il n’existe aucune signe avant-coureur montrant une désaffection du public pour les appareils « compliqués ». « Les affirmations de Martin Cooper vont à l’encontre des tendances actuelles du marché, et je vois vraiment aucune raison particulière montrant un renversement de cette tendance« .
« Les technologies mobiles sont beaucoup plus que de simples téléphones : ils ont les capacité et la flexibilité d’un ordinateur. Les concepteurs ont fait usage de ces capacités, et continueront à le faire. L’avenir de ces technologies se retrouvera au final dans les mains des utilisateurs » a-t-il ainsi terminé.
Directeur de recherche chez CCS Insight, une société spécialisée dans l’analyse de marché pour l’industrie de la télécommunication, Ben Wood est plus mesuré. S’il y a bien une grosse compétition entre les différents constructeurs pour rajouter toujours plus de fonctionnalités – allant d’une augmentation de la mémoire interne à l’ajout d’un appareil photo de meilleure qualité – il pense que cette course aux armements va se calmer.
Prenant l’exemple des appareils photos intégrés aux smartphones, Ben Wood voit un certain ralentissement dans le renouvellement de cette technologie. Certes, il y a bien des appareils photo 12 mégapixels, mais « ils ne sont disponibles que sur les appareils haut-de-gamme« . La plupart du temps, la moyenne des objectifs embarqués oscille entre 2 et 5 mégapixels. « L’accent va être davantage mis sur l’expérience plutôt que sur telle ou telle fonctionnalité ».
Quand au marché dédié aux téléphones basiques, ceux uniquement conçus pour les appareils et les textos, Ben Wood a reconnu qu’il existerait sans doute toujours.
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