Nathalie Kosciusko-Morizet a-t-elle perdu le soutien des « geeks » ou ces derniers ont-ils gâché leur meilleur soutien politique ? Il est peut-être encore trop tôt pour bien appréhender l’impact qu’aura la sortie pro-Loppsi sur les relations entre la Secrétaire d’Etat à la Prospective et au Développement de l’économie numérique et les plus ardents défenseurs d’une certaine idée de l’Internet, mais les faits sont là : à l’occasion du lancement du Tweest, un outil de « veille politique » (ou une machine industrielle à petites phrases, c’est selon), NKM a lâché au cours du débat qu’elle soutiendra ce projet de loi.
Très présente sur Twitter, n’hésitant pas à interagir avec les autres membres du réseau de micro-blogging, Nathalie Kosciusko-Morizet avait été particulièrement sollicitée ces derniers jours par différents acteurs du web, que ce soit Fabrice Ebelpoin, éditeur de ReadWriteWeb France, ou Jean-Michel Planche, PDG de Witbe. Avec le soutien de nombreux internautes, ils avaient demandé à la Secrétaire d’Etat qu’elle prenne officiellement position sur la Loppsi, la fameuse « Loi d’Orientation et de Programmation pour la Sécurité Intérieure« .
Ce qu’elle aura fait lors de cette soirée-évènement, mais sans doute pas dans le sens attendu. Car à quelques semaines des régionales 2010 (elle brigue un poste en Essonne), comment Nathalie Kosciusko-Morizet aurait-elle pu désavouer son propre gouvernement ? Elle ne tenait certainement pas à perdre le soutien de l’UMP, qui reste une formidable machine politique et électorale. D’aucuns diront qu’il s’agit-là d’un froid calcul politique, d’autres estimeront qu’elle n’a fait appliquer qu’un classique comportement politique connu sous le nom de « solidarité gouvernementale » (ou ministérielle). À moins de mettre son poste dans la balance, NKM ne pouvait donc pas rentrer de front dans ses collègues, Brice Hortefeux en tête.
C’est sous le désormais classique argumentaire de la pédo-pornographie, cause juste et inévitablement irréfutable, que NKM s’est réfugiée, afin de justifier la politique sécuritaire souhaitée par Nicolas Sarkozy sur Internet. Or, si personne ne contestera la nécessité de mettre fin à ce fléau – celui-ci profitant largement de la toile mondiale -, beaucoup considèrent que les méthodes envisagées par le gouvernement ne sont pas les bonnes. Parce qu’elles ne sont pas efficaces et parce qu’elles inciteront les pédophiles à adopter des comportements encore plus prudents (réseaux décentralisés, de taille réduite, chiffrement à différents niveaux, proxys, VPN…). Même les associations de défense sont très critiques.
Or, les signaux envoyés par nos hommes et femmes politiques ne sont guère encourageants, et n’incitent pas à soutenir la Loppsi. Malgré les assurances répétées de la Secrétaire d’Etat expliquant que le projet de loi ne vise que la pédo-pornographie – et rien d’autre -, le chef de l’Etat avait pourtant déclaré lors de ses voeux aux milieux culturels « que soit expérimentés sans délai des dispositifs de filtrage visant à dépolluer automatiquement les réseaux et serveurs de toutes sources de piratage« . Un peu sur le modèle australien, malgré les couacs inhérents à ce type de procédé.
Pour l’heure, si aucun calendrier précis n’est déterminé, on ne peut s’empêcher de penser qu’il se calera en fonction de la loi sur la Loi d’Orientation et de Programmation pour la Sécurité Intérieure. Et dans le gouvernement, en dehors de NKM, aucune autre voix ne va s’élever contre la Loppsi. En tout cas ni Nadine Morano, ni Brice Hortefeux, ni Michelle Alliot-Marie.
Sa position récente sur la Loppsi va-t-elle affecter la neutralité des réseaux, principe nécessaire d’Internet qui permet d’assurer l’intégrité des contenus circulant entre différents points ? Nathalie Kosciusko-Morizet assure que non, cette valeur étant manifestement importante à ses yeux. Mais en s’accordant sur la même ligne politique que ses collègues technophobes, les internautes risquent d’être bien plus circonspects vis-à-vis des propos tenus par la Secrétaire d’Etat.
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