Hier, nous vous rapportions la victoire judiciaire des Pink Floyd face à EMI. Le groupe de rock reprochait à la maison de disques de vendre ses musiques à l’unité, alors que les termes du contrat signé en 1967 (et renégocié en 1999) n’autorisaient pas un tel découpage. Pour le groupe, cette façon de faire mettait à mal la cohérence artistique des albums, tandis que la major expliquait qu’à l’époque elle ne pouvait pas deviner l’arrivée prochaine des plates-formes légales de téléchargement, comme iTunes ou Amazon.
Après avoir entendu les prétentions des deux parties, un tribunal londonien chargé d’arbitrer le conflit a finalement ordonné à EMI de mettre fin à cette pratique, estimant que les mêmes règles devaient s’appliquer uniformément, qu’importe le format où est stocké la musique (CD physique ou fichier numérique). Et à côté de cette interdiction, la justice a exigé le versement à titre provisionnel de 44 000 euros de dommages et intérêts, en attendant de fixer définitivement le dédommagement à donner au groupe.
Si la nouvelle de la condamnation d’EMI a bien évidemment fait le bonheur des opposants aux majors, la victoire des Pink Floyd dans cette affaire est-elle vraiment une bonne chose ? Car si les critiques envers les maisons de disques ne sont pas dénuées de fondement – ces dernières se sont « remarquablement » illustrées par un immobilisme constant et une incapacité chronique à embrasser les nouvelles technologies sans arrière-pensée -, encore faut-il s’assurer que tout cela ne va pas d’une façon ou d’une autre affecter le mélomane.
Or, c’est peut-être ce qui s’est produit avec l’affaire EMI / Pink Floyd, comme le fait remarquer très judicieusement Freakbits. Loin de nous l’idée de dédouaner les maisons de disques de leurs travers et de leurs errements. Par le passé, elles ont largement démontré leur capacité à nuire à la créativité musicale, au public et aux artistes en activité ou anciennement sous contrat. À chaque fois, nous souhaitons que les droits des amateurs de musique et des artistes soient respectés, et que les sociétés chargées de commercialiser à grande échelle des albums de musique n’abusent pas de leur position de force pour dicter quoi que ce soit au consommateur, à l’artiste ou au législateur, sous prétexte que la révolution numérique bouleverse toute une économie.
La grande force du fichier MP3 (ou de n’importe quel autre format audio) est d’avoir libéré l’individu du format finalement assez rigide de l’album CD. Avec l’ère du numérique, il est désormais possible d’acquérir des fichiers à l’unité, en choisissant les titres les plus attirants, ou de récupérer l’album en entier. Le consommateur a le choix : il n’a plus à débourser systématiquement une somme importante pour un bien culturel dont le format est finalement handicapant. Combien de CD ont-ils été achetés en France et dans le monde juste pour profiter d’un ou deux titres ? Sans doute énormément.
Certes, dans cette affaire le groupe Pink Floyd a mis en avant la cohérence artistique des albums, cohérence qui serait nettement entamée si les musiques étaient écoutées à l’unité. Mais dans ce cas là, que dire des stations de radio qui diffusent tout à fait légalement les plus grands titres du groupe, sans pour autant lancer tout l’album ? Si on suit la logique du groupe, la sensibilité artistique des albums est violée. Est-ce pour autant que les Pink Floyd vont poursuivre les stations FM ?
En faisant abstraction des royalties qu’EMI doit visiblement à Pink Floyd, il n’est pas sûr que cette victoire judiciaire soit nécessairement une bonne chose : car si le groupe va récupérer beaucoup d’argent, cela va peut-être se faire au détriment de la liberté d’appréciation de l’individu. Ne devrait-on pas être libre d’aborder une œuvre à notre façon, même si cela va à l’encontre d’un travail artistique ?
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