A la demande de la Chambre de Commerce Internationale (CCI), le cabinet TERA Consultants a livré une étude sur le poids de l’industrie créative dans l’économie européenne, et l’impact du piratage sur l’emploi à horizon 2015. Son scénario le plus pessimiste prévoit 1,2 millions de pertes d’emplois en cinq ans. Le plus optimiste 611 000 emplois perdus. Mais quelle crédibilité faut-il lui accorder ?

On a rarement lu étude plus anxiogène sur l’impact du piratage dans l’économie. La Chambre de Commerce Internationale, qui n’est en réalité qu’un énorme lobby privé du capitalisme (elle fédère des centaines de milliers d’entreprises à travers 130 pays mais les Etats n’y sont pas représentés), a publié mercredi une étude .(pdf) sur la destruction de valeur et d’emplois causée par le piratage dans l’Union Européenne.

Voici ses principales conclusions, véritable plaidoyer pour la généralisation de la riposte graduée à travers l’Europe :

  • En 2008, les industries créatives de l’Union européenne, d’après la définition plus précise et plus complète qui a été retenue, ont contribué à hauteur de 6,9% (environ 860 milliards d’euros) au PIB européen et représenté 6,5% de la main-d’œuvre totale, soit environ 14 millions d’emplois.
  • En 2008, les industries créatives de l’Union européenne les plus impactées par le piratage (films, séries TV, musique enregistrée et logiciels) ont enregistré un manque à gagner de 10 milliards d’euros et plus de 185 000 destructions d’emploi en raison du piratage et notamment du piratage numérique.
  • D’après les projections actuelles et en l’absence de modification notable de la réglementation, les industries créatives de l’Union européenne pourraient accuser un manque à gagner cumulé de 240 milliards d’euros, à l’horizon 2015, induisant 1,2 million de pertes d’emplois d’ici là.

Pour parvenir au chiffre mirobolant de 6,9 % du PIB européen lié aux industries créatives, la CCI a raclé les fonds de tiroirs comme l’avait fait en France Christine Albanel. Sont ainsi mis dans un même sac les producteurs audiovisuels, les éditeurs, les agences de publicité, les éditeurs de logiciels et de contenus en ligne, les fabriquant et vendeurs de matériels (téléviseurs, lecteurs MP3, etc.), et même…. « des industries connexes comme celle des transports« . N’en jetez plus, la coupe déborde.

Ensuite, pour calculer l’impact du piratage sur tout ce beau monde, le cabinet parisien TERA Consultants qui a réalisé l’étude applique une méthode simple, résumée par le shéma ci-dessous. En clair, le nombre d’œuvres piratées est multiplié par un coefficient de substitution (par exemple 10 % des morceaux de musique téléchargés auraient été achetés, ou 45 % des CD pirates matériels), puis par le prix de vente au détail. Pour déduire les pertes d’emplois, l’étude croise le tout avec le chiffre d’affaires réalisé par tête de pipe dans une entreprise créative, au sens très large.

Restait un problème : comment mesurer le niveau du piratage susceptible de provoquer ces dégats considérables sur l’économie européenne ? Simple, le cabinet a pris en compte des études qui trouvent un lien de substitution entre le piratage et la consommation de contenus légaux, et ignoré les autres (celle de Felix Oberholzer-â
Gee et de Koleman Strumpf
est par exemple citée, mais pour mieux l’écarter sans aucune explication). Il a ensuite déduit que la chute du marché du disque et la très légère baisse du nombre de DVD vendus entre 2004 et 2008 était liée essentiellement au développement du haut débit et donc, du piratage.

Un tableau en annexe nous dit ainsi qu’en France, il a été estimé que 778 millions d’œuvres étaient piratées chaque année sur Internet. Leur source : TERA Consultants, l’auteur du rapport.

Pour faire ses prévisions à 2015, le cabinet a ensuite regardé les prévisions de développement du haut débit annoncées par Cisco, et fait ses calculs savants pour imaginer l’impact sur l’économie des industries créatives. « La présente étude propose deux scénarios d’estimations de pertes dues au piratage à l’horizon 2015, tous deux basés sur les prévisions de Cisco System concernant le trafic Internet et sur l’hypothèse de l’absence de mesures visant à remédier au piratage« , dit ainsi l’étude.

Une étude que ne manqueront pas d’agiter ceux qu’elle arrange. En attendant peut-être le jour où une étude s’intéressera non seulement à l’impact positif du piratage sur l’économie, mais aussi sur l’impact positif du piratage sur le rayonnement culturel, sur le développement personnel des concitoyens, ou sur le développement technologique

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