La caricature s’accomode-t-elle de l’anonymat, qui plus est lorsqu’elle est orchestrée en période électorale par un candidat à l’encontre d’un adversaire ? Condamné une première fois en octobre 2008, puis par la cour d’appel d’Orléans le 22 mars 2010, Antoine Bardet a décidé de se pourvoir en cassation pour dénoncer les « graves atteintes à la liberté d’expression et aux droits fondamentaux » constituées par sa condamnation.
En pleine campagne pour les élections municipales de mars 2008, l’homme avait créé un blog anonyme intitulé « les amis de Serge Grouard« , dont le ton humoristique et les fautes d’orthographes extrêmement grossières ne pouvaient laisser de doute sur sa nature satirique. Mais ledit Serge Grouard, maire de la ville d’Orléans en quête d’un nouveau mandat, n’avait pas apprécié la blague. Il a assigné l’hébergeur Google pour connaître l’identité du blogueur, qu’il a fini par retrouver et qui s’est avéré être membre d’une liste adverse.
Le maire – en son nom propre et en sa qualité – a ensuite poursuivi son opposant devant les tribunaux, non pas pour diffamation ou injure comme le prévoient les délits de presse, mais en « dénigrement » sur le fondement de la responsabilité civile (art. 1382 du code civil). Un artifice juridique qui a le double avantage de présenter un délai de prescription beaucoup plus long et d’avoir un niveau d’exigence de preuve du délit beaucoup plus laxiste. La stratégie s’est avérée payante, puisque les tribunaux ont jugé qu’en raison de son anonymat, les lois gouvernants les délits de presse ne s’appliquaient pas au blogueur. Ils ont jugé que même si aucun des billets pris isoléments ne constituait de diffamation ou d’insulte, l’ensemble, le contexte électoral, le fait que leur auteur fut un adversaire politique de M. Grouard et qu’il ne permettait pas de droit de réponse, justifiaient une condamnation pour dénigrement.
Pour se pourvoir, Antoine Bardet reproche aux juges du fond d’avoir ignoré l’arrêt de la cour de cassation du 12 juillet 2000 qui, en séance plénière, avait arrêté que « les abus de la liberté d’expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l’article 1382 du Code civil« . Mais l’on donne peu de chances de victoire au blogueur. Dans l’affaire de 2000, il ne faisait aucun doute que l’hebdomadaire condamné était bien gouverné par les lois sur les délits de presse. Et ça n’est pas le rôle de la cour de cassation de regarder si les faits constituaient, ou non, un dénigrement. La cour de cassation ne juge que la bonne application juridique des règles de droit.
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