Le commissaire européen en charge de la fiscalité, Algirdas Semeta, a envoyé au gouvernement français une lettre rapportée par La Tribune, qui remet en cause le régime de TVA différenciée appliquée sur les abonnements à Internet. Jusqu’à présent, les FAI qui proposent des forfaits triple play avec téléphonie, télévision et Internet appliquent un taux de TVA à 5,5 % sur la moitié de la facture qu’ils disent correspondre à la délivrance des services de télévision auprès de leurs abonnés. Le reste est taxé au taux normal de 19,6 %.
Problème, la Commission Européenne qui a été saisie par un particulier rappelle à la France que la directive sur la TVA interdit d’appliquer la TVA réduite « aux services fournis par voie électronique« , et impose que des taux différents ne puissent être pratiqués que pour deux prestations bien « distinctes« . En tout, sept articles de la directive TVA seraient violés.
Plus fondamentalement, M. Semeta reproche au gouvernement d’autoriser les FAI à imposer un taux réduit sur la moitié de leur facture, y compris sur les factures des abonnés dont ils savent pertinemment qu’ils n’ont pas accès aux services de télévision, soit parce qu’ils ne louent pas le décodeur nécessaire, soit parce que leur ligne n’a pas un débit suffisant pour leur permettre de jouir du service audiovisuel.
Mais le pêché initial est donc d’avoir autorisé les FAI à pratiquer une offre commerciale tout en un, sans que les prix des différentes composantes du triple-play ne soient détaillés, et qu’il n’y ait pas systématiquement la possibilité de ne souscrire qu’à l’accès à internet sans l’audiovisuel, ou réciproquement. C’est un problème qui avait été mis en exergue lors des débats sur la loi Hadopi, lorsqu’il s’était agi de couper l’accès à Internet des abonnés. Il fallait alors, puisque le service audiovisuel devait obligatoirement être maintenu, déterminer quelle part du prix facturer à l’abonné.
Les députés avaient voté l’obligation de mentionner dans les contrats des FAI « les parts respectives des différents services dans le prix de l’abonnement« , mais la mesure n’avait finalement pas été retenue dans la mouture finale du projet de loi. Christine Albanel, aujourd’hui directrice de communication d’Orange, avait estimé au Parlement qu’il s’agissait d’une « lourdeur supplémentaire » pour les FAI. Finalement, la réalité du droit européen se rappelle à elle.
De son côté, Free a peut-être anticipé la réforme avec une récente mise à jour de sa Freebox, qui devra lui permettre de couper l’accès à certaines composantes du triple-play, et donc d’appliquer une tarification et des taux de TVA distincts. Ca paraît être en effet la seule solution à terme.
En vertu du principe d’égalité fiscale entre services de même nature, il paraît peu probable de passer l’ensemble de l’abonnement à Internet à une TVA à 19,6 %, alors que la distribution traditionnelle de la télévision est bien taxée à un taux de TVA réduit. Mais il faudra distinguer les offres pour que ceux qui n’ont pas accès à la télévision ou qui ne la souhaitent pas ne soient pas obligés de la payer.
C’est en tout cas un nouveau coup dur pour les producteurs audiovisuels français, après le coup de semonce de Bruxelles contre la taxation des FAI au bénéfice de France Télévisions. La part de l’abonnement à 5,5 % sur les abonnements à Internet, largement gonflée par les FAI pour tirer vers le haut leurs marges bénéficiaires, sert en effet de base au calcul au versement de la taxe versée par les FAI au COSIP, le fonds d’aide à l’audiovisuel. C’est en quelque sorte un arrangement entre amis, qu’avait d’ailleurs rappelé l’ancien ministre de la culture Jacques Toubon lors du colloque de l’ARCEP sur la neutralité du net. D’une rare colère, M. Toubon s’était levé de son siège dans le public pour s’en prendre à gorge déployée au patron de Free Maxime Lombardini, qui critiquait cette contribution au COSIP. Il lui avait rappelé qu’elle avait été la contrepartie de la TVA réduite. Or s’il n’y a plus de TVA réduite, la compensation diminuera mécaniquement, puisque les FAI cesseront de prétendre que l’audiovisuel fait 50 % de la facture.
Seule consolation : Nicolas Sarkozy a souhaité que la part de la TVA réduite soit diminuée pour compenser le financement de la Carte Musique. Quitte à être ridicule, autant l’être jusqu’au bout.
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