Le sénateur ex-UMP de la Moselle Jean-Louis Masson ne semble pas avoir voulu faire un simple coup politique en déposant une proposition de loi visant à obliger les blogueurs à divulguer leur identité, par la publication de leurs nom, prénoms, adresse e-mail, adresse de domicile et numéro de téléphone. Le journaliste de France 3 Lorraine Jean-Christophe Dupuis-Rémond, qui anime un blog sur l’actualité des environs de Metz, a ainsi réalisé une interview du sénateur, qui assume pleinement son texte.
« Je ne veux pas la peau de chaque blogueur anonyme, je veux que chaque blogueur, fut-il anonyme, assume la responsabilité de ses propos« , défend ainsi celui qui a été exclu de l’UMP en 2004 pour une candidature dissidente aux élections régionales. « Quand on se couvre derrière l’anonymat d’internet pour tenir des propos diffamatoires, injurieux ou délibérément malveillants, de même que lorsqu’on le fait par écrit par l’intermédiaire d’une lettre, d’un tract ou d’un journal, on doit assumer ses responsabilités vis à vis de la justice« .
Tout au long de l’interview, Jean-Louis Masson assimile systématiquement l’anonymat et la diffamation. Comme si les deux étaient nécessairement liés. On ne cacherait son identité que lorsque l’on a quelque chose à se reprocher et que l’on veut éviter les foudres de la Justice. C’est assez révélateur d’un mode de pensée qui interdit au citoyen d’exprimer des idées librement sans avoir à redouter l’opprobre, ou de parler de sa vie privée sans atteindre à la sienne et celle de ses proches. Imaginerait-on par exemple un blogueur qui témoigne de sa vie quotidienne de malade du SIDA être dans l’obligation de donner son identité et son numéro de téléphone ?
En fait, Jean-Louis Masson semble surtout vouloir régler au niveau national une vieille rancoeur locale. « J’ai posé cette question-là parce que c’est une question qui se pose souvent en politique. Lorsque l’on a des gens malhonnêtes, et l’on a par exemple sur la région messine des élus qui ne sont pas tous très clairs, ils se servent des blogs pour diffuser des propos diffamatoires en espérant qu’au pire, ils ne seront démasqués qu’après tout un tas de tergiversations de la Justice, etc., et qu’au pire ils auront eu un an et que dans un an tout sera oublié. On l’a vu d’ailleurs aux dernières élections municipales à Metz avec un député UMP, s’il y avait eu des règles plus contraignantes, l’intéressé aurait fait l’objet de poursuites en diffamation au moment des municipales ».
Une affaire qui n’est pas sans rappeler celle qu’aura bientôt à juger la cour de cassation dans le cadre des élections municipales d’Orléans de mars 2008. Le maire Serge Grouard avait pu faire identifier l’auteur d’un blog anonyme poursuivi pour dénigrement. L’auteur a été condamné en cour d’appel et a décidé de se pourvoir en cassation. Preuve que l’anonymat peut être levé quand il le faut, pour les besoins de la Justice. Ca n’est pas parce qu’une poignée de blogueurs diffament anonymement qu’il faut obliger les centaines de milliers d’autres blogueurs à divulguer au monde entier leur identité.
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