Eric Walter est quelqu’un de très sympathique. Vraiment. Et très certainement quelqu’un de bonne volonté. Mais il est sacrément gonflé. Dans une interview à L’Expansion, le secrétaire général de l’Hadopi a d’abord tenu à rassurer les ayants droit sur le calendrier de mise en route de la riposte graduée (« Les deux décrets sont dans les tuyaux. Le calendrier reste le même »), et à mettre les points sur les « i » en ce qui concerne les moyens de sécurisation. A sa manière.
Comme nous l’avions révélé, la Haute Autorité souhaite jouer sur une ambiguïté du texte de la loi pour envoyer ses premiers e-mails aux abonnés accusés de négligence caractérisée dans la sécurisation de leur accès à Internet… sans attendre que les premiers logiciels de sécurisation de l’accès soient labellisés par ses services.
« Ce débat est un peu hypocrite« , se défend Eric Walter dans L’Expansion. « L’obligation de sécurisation date de la loi Dadvsi« , rappelle-t-il, à juste titre. Mais à l’époque l’obligation était toute théorique, puisque le législateur n’avait pas prévu de sanction. « Il existe de nombreux outils, connus, pour sécuriser son accès: logiciels de contrôle parental, pare-feu, clés WEP pour les accès Wi-Fi… Le label, quand il existera, sera juste un meilleur moyen d’atteindre les objectifs de sécurisation que nous nous fixons, grâce aux spécifications fonctionnelles que nous rédigerons et qui permettront de rapprocher les produits existants de nos objectifs. »
Il faut avoir la mauvaise foi bien accrochée pour oser déclarer qu’il est « un peu hypocrite » de s’interroger sur les moyens de sécurisation, lorsque le défaut de sécurisation fait peser sur l’abonné le risque d’une amende et d’une suspension de son accès à Internet. C’est la clé de voute de la loi !
Les moyens de sécurisation ne sont pas une mince affaire. La loi elle-même prévoit que l’Hadopi doit vérifier « leur efficacité« . Le professeur Riguidel, qui travaille à l’élaboration des fonctionnalités pertinentes que les moyens de sécurisation devront présenter, nous confiait lui-même que c’était là « l’une des missions les plus difficiles » qu’il ait eu à accomplir. Il a pourtant travaillé sur des projets de la plus haute importance, classés secrets défense. Mais pour que les logiciels de sécurisation compatibles Hadopi fonctionnent, « les contraintes sont énormes« , avouait-il sans peine.
Certes, des logiciels de sécurisation existent, mais aucune solution ne permet par exemple de bloquer le téléchargement de séries TV pirates sur BitTorrent sans bloquer le téléchargement des films ou séries TV distribués légalement sur le même réseau BitTorrent. Il n’existe pas de logiciel qui empêche un voisin malveillant de pirater son accès à Internet en cassant (facilement) une clé WEP. Il n’existe, plus fondamentalement, aucun moyen de prouver que le moyen de sécurisation employé par l’abonné était activé au moment du téléchargement.
Même si Eric Walter assure que l’Hadopi « ne part pas du principe que tout le monde est coupable« , dans les faits c’est bien la présomption de culpabilité qui règnera. L’abonné dont l’adresse IP aura été collectée sur les réseaux P2P sera présumé coupable, et il devra « demander à être auditionné par la commission des droits » pour apporter alors des éléments disqualifiant l’accusation.
Il n’y a pas d’hypocrisie dans le fait de soulever ces problèmes. Toute la philosophie de la riposte graduée repose sur la non sécurisation de l’accès à Internet. C’est tout de même la moindre des choses que d’attendre des explications concrètes et officielles sur la manière de le sécuriser efficacement.
Et tant pis si entre temps, « certains commentaires atteignent les agents (de l’Hadopi), comme lorsqu’ils lisent que les collaborateurs de l’Hadopi sont payés à ne rien faire« . Ils souffriront que l’on demande un minimum de transparence et d’objectivité dans l’application des lois.
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