La secrétaire d’Etat à l’économie numérique Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM) a dû rétropédaler mardi après la diffusion d’une dépêche AFP qui la disait favorable à un « Internet à plusieurs vitesses », pour lutter contre la congestion des réseaux des opérateurs. « Certains types de contenus peuvent bénéficier d’un accès prioritaire« , avait-elle indiqué lors d’un conférence organisée par les Echos. Mais la même dépêche précisait aussitôt la pensée de la secrétaire d’Etat, qui disait parler uniquement de contenus « très spécifiques » comme la téléchirurgie, qui pourraient d’ailleurs ne pas transiter par Internet. « Sur le réseau public qu’est Internet, les contenus doivent être traités à égalité« , rappelait-elle dans une formulation qui avait de quoi satisfaire les défenseurs de la neutralité du net, mais qui n’a pas éteint la polémique.
Interrogée par 01Net, NKM a donc mis les pendules à l’heure. « C’est exactement le contraire de ce que je pense. Il n’est pas question d’avoir un Internet à deux vitesses, je suis opposée à la segmentation marketing du réseau« , a-t-elle réaffirmé. « L’enjeu du débat actuel est de donner une définition au concept de neutralité du Net et de définir dans quels cas on peut faire des exceptions, quels motifs les rend légitimes, et que cela se fasse en toute transparence« , a-t-elle dit. Si les exceptions sont limitées à du hors-net, comme la télémédecine ou la téléphonie mobile prioritaire sur les flux de données 3G, il n’y aura pas grand chose à redire. La neutralité du net ça n’est pas une appropriation des tuyaux pour le seul Internet. En revanche, tout ce qui est « Internet » doit être traité dans les mêmes conditions.
Aussi, il ne faut selon nous pas crier trop vite à la simple évocation d’un « internet à plusieurs vitesses ». Bien au contraire, il peut s’agir de la seule mesure véritablement respectueuse de la neutralité du net. Tout dépend ce que l’on entend par « internet à plusieurs vitesses ».
S’il s’agit de favoriser l’accès à certains contenus par rapport à d’autres depuis le même abonnement à Internet, alors il y a effectivement une atteinte inacceptable à la neutralité du net. Mais s’il s’agit de ne plus proposer systématiquement un accès à Internet illimité au débit maximal techniquement autorisé par la ligne de l’abonné, et donc de proposer des débits ou des volumes différents en fonction des abonnements souscrits, alors c’est effectivement une mesure respectueuse de la neutralité du net.
Il n’y aurait sur le principe absolument rien de choquant à ce que les opérateurs proposent un abonnement à Internet à bas prix au volume de données limité et/ou au débit limité, et un autre abonnement plus cher, illimité et au débit maximal, si la différence entre les deux abonnements se limite à cela. Les opérateurs justifient le plus souvent leur volonté d’atteinte à la neutralité du net par l’obligation qui leur est faite de gérer leur réseau pour éviter les congestions dans les heures de pointe. Mais personne ne leur a jamais mis le couteau sous la gorge pour les obliger à fournir à tous les abonnés un accès illimité, totalement débridé.
S’il faut désengorger le réseau, alors la solution n’est pas de brider ou surfacturer l’accès aux contenus les plus consommateurs, mais de facturer la consommation au volume indépendamment du type de contenu consommé. Façon EDF, qui ne facture pas différemment selon que son électricité alimente un réfrigérateur ou un téléviseur. La concurrence continuera alors à jouer son rôle entre les opérateurs, pour savoir qui offre le meilleur débit et le plus de volume de données au prix le moins cher, sans que ça porte atteinte à la neutralité du réseau.
« Les opérateurs (France Télécom, Bouygues) réclament la possibilité de segmenter le marché avec des offres haut débit plus rapides, facturées plus cher pour ceux qui passent leur temps à regarder des vidéos et un accès plus lent pour ceux qui ne consultent que leur mail« , rapportait l’AFP. Ca sera totalement acceptable, si ceux qui ont un accès pour consulter leur mail peuvent aussi regarder des vidéos, même si ça doit leur prendre des heures de téléchargement à cause de leur débit limité.
Ce sera ensuite un problème de fracture numérique entre ceux qui ont les moyens d’avoir un accès totalement débridé et ceux qui ne pourront s’offrir qu’un accès bas débit, ou pas d’accès du tout, mais ça ne sera pas un problème de neutralité du réseau.
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