C’est une chance que finalement le Parlement n’a pas suivi à la lettre le projet de loi initial sur l’ouverture au marché des jeux en ligne, lorsqu’il a décidé de confier aux tribunaux le soin de prononcer les mesures de filtrage. Certes, le premier jugement en référé du genre n’est pas des plus encourageants (c’est un euphémisme), puisque pour ordonner le blocage de Stanjames.com le tribunal a été jusqu’à juger applicable une loi dont il constate pourtant lui-même qu’il manque un décret d’application. Mais le niveau de compétence technique de l’Autorité de Régulation des Jeux en Ligne (ARJEL) fait craindre le pire, si elle avait pu elle-même prononcer des sanctions contre les hébergeurs et fournisseurs d’accès, comme l’avait souhaité le gouvernement.

Astrid Girardeau constate en effet sur Owni que l’ordonnance judiciaire publiée vendredi par Numerama montre que l’ARJEL a cru s’adresser à l’hébergeur, lorsqu’elle s’adressait en fait au registrar, c’est-à-dire à la société chargée de l’enregistrement et de l’adressage du nom de domaine Stanjames.com :

Le 7 juillet, l’ARJEL a fait assigner la société Neustar, ‘en sa qualité d’hébergeur du site Internet litigieux‘, et enjoint cette dernière ‘en sa qualité d’hébergeur sous astreinte de 100.000 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, de mettre en œuvre toutes mesures proches à empêcher l’accès, à partir du territoire français‘ le site.

Dans son exposé des faits, l’ARJEL explique que cette société ‘se présentant comme l’hébergeur du site en cause a bien été identifiée, par le recours à la consultation combinée des bases Whois et Whohosts, méthode d’usage répandu, même si elle ne permet jamais d’établir avec certitude le véritable hébergeur qui peut être changé à tout instant.’ Et l’autorité de confirmer que le site stanjames est ‘donc hébergé par Ultradns.net, détenue par la société Neustar‘.

Pourtant, la plupart des sept fournisseurs d’accès Internet, également assignés par l’ARJEL, ont de leur côté démontré que Neustar n’était pas l’hébergeur, mais seulement le registrar du site. Et que ce dernier était en fait hébergé par la société Stanjames elle-même.

Devant l’erreur manifeste de l’ARJEL, qui a mis en demeure le mauvais intermédiaire, le tribunal a agilement botté en touche. Il a estimé que l’article 61 de la loi sur les jeux en ligne autorisait l’Autorité à demander en justice le blocage de Stanjames « tant aux hébergeurs qu’aux fournisseurs d’accès, sans déterminer d’ordre dans les mises en demeure comme dans les décisions (de saisir la justice) ». Et donc même si l’hébergeur mis en demeure n’était pas le bon, l’erreur n’entraînait pas la nullité de la demande visant les FAI.

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