Les grosses pointures du web et de l’industrie de communications à travers le monde ont publié par l’intermédiaire de la CCIA une lettre à l’Hadopi, qui somme l’autorité administrative de ne rien imposer aux industriels qui pourrait aller contre le libre arbitre des utilisateurs, et des concepteurs de moyens de sécurisation.

Pour lutter contre le piratage, la loi Hadopi fait obligation à l’autorité administrative de publier les « spécifications fonctionnelles pertinentes » des moyens de sécurisation que les abonnés à Internet sont invités à mettre en œuvre, pour éviter toute condamnation. C’est dans ce cadre que l’Hadopi a organisé sa consultation publique, achevée le 30 octobre.

La puissante Association de l’Industrie de l’Informatique et des Communications (CCIA), qui compte parmi ses membres Google, Microsoft, Yahoo, eBay et AMD, a publié sa réponse (.pdf) au projet de spécifications fonctionnelles des moyens de sécurisation publié par l’Hadopi. Une réponse aussi forte qu’inattendue, puisque la consultation n’était pas en principe ouverte aux entreprises situées hors de France.

La lettre signée depuis Bruxelles par la vice-présidente de la CCIA Erika Mann, et rédigée en anglais (sic) commence par une approbation de principe à la protection de la rémunération des auteurs sur Internet. Mais elle demande à la Haute autorité de « ne pas faire obstacle aux solutions technologiques » inventées par les entrepreneurs, et s’oppose au principe-même des spécifications fonctionnelles rendues obligatoires pour la labellisation des moyens de sécurisation.

« Hadopi devrait d’abord ne pas faire de mal« , écrit-elle. « A cette fin, bien qu’il puisse être utile d’éduquer les consommateurs sur les options qui sont disponibles s’ils le souhaitent, les impératifs technologiques doivent être évités« . Elle demande que les solutions techniques soient dictées par le marché, pas par une autorité administrative. L’inquiétude est d’autant plus forte que l’Hadopi a le pouvoir d’obliger les concepteurs de logiciels à obéir à ces spécifications, même au delà de la lutte contre le piratage.

Sur le fond, la CCIA adresse trois critiques principales à la loi Hadopi et au projet soumis par le professeur Riguidel :

  1. Le fait de solliciter l’installation de moyens de sécurisation via la menace pénale n’en fait pas une solution « optionnelle » proposée aux citoyens, et pourrait « encourager des comportements indésirables par des gouvernements répressifs« . La CCIA craint que ça puisse « créer un précédent pour rendre acceptables de telles politiques publiques« . « Les utilisateurs pourraient avoir le sentiment d’être présumés coupables de piratage et de courir le risque de voir leur accès à Internet coupé sauf s’ils soumettent « volontairement » leur activité Internet à la surveillance et la journalisation« .
  2. Le projet semble valider le principe d’un blocage de sites sur la demande de tiers, via l’autorité judiciaire, sans que l’utilisateur puisse contrôler la liste des sites bloqués. « Il est contraire aux concepts de liberté sur Internet d’encourager l’installation de logiciels qui peuvent empêcher les utilisateurs qui ne sont pas eux-mêmes placés devant l’autorité judiciaire d’accéder à un contenu donné« , estime l’association ;
  3. Le projet « stigmatise des protocoles Internet neutres« , en visant en particulier les réseaux P2P et non leur utilisation.

Prenant l’exemple chinois du logiciel anti-pornographie Green Dam, la CCIA prévient que « l’installation d’un logiciel de surveillance sur l’ordinateur des utilisateurs, sans condamnation préalable pour activité criminelle, n’est pas une option acceptable de politique publique, quel que soit l’objectif« .

Elle s’inquiète aussi du fait que « le projet semble basé sur l’idée fausse selon laquelle les protocoles de transferts de fichiers peer-to-peer sont illicites« . La CCIA demande que les spécifications fonctionnelles ne stigmatisent pas des protocoles en particulier, comme BitTorrent, ce qui pourrait « entraver la distribution de contenus légitimes en ligne« .

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