Lorsque l’on pose au président du groupe du Sénat chargé des communications électroniques des questions totalement absurdes à propos d’Internet, le sénateur n’avoue jamais ne rien comprendre. Pire, il répond sans gêne avec l’air d’y comprendre. Révélateur.

L’article est passé inaperçu, et il est pourtant révélateur de la façon dont sont analysées les lois au Parlement. Il y a quelques jours, Streetpress a publié une série de questions volontairement stupides posées au sénateur Pierre Hérisson, qui n’est rien de moins que le président du Groupe d’études au Sénat sur les postes et communications électroniques. Un homme clé dans la régulation des nouvelles technologies et des FAI. Le 26 octobre, il tenait une table ronde sur la neutralité des réseaux, que nous avions évoquée.

Les trois questions posées par la journaliste étaient les suivantes :

  • Quelle solution pour éradiquer les pop-up ?
  • Est-ce que pour vous, trop d’update tue l’update ?
  • Que peut faire l’industrie du cinéma contre des sites comme YouPorn, qui prennent une grosse part voire toute la part du marché ? (pour ceux qui ne le sauraient pas, YouPorn est un site pornographique)

A aucun moment le sénateur Hérisson ne se démonte. Il répond à chaque question sans chercher à en comprendre les termes. Sur les pop-up qu’il faudrait éradiquer, il juge « urgent de faire quelque chose, néanmoins (…) on aura besoin d’un mélange du législatif et de l’utilisation des technologies pour régler ce problème« .

Trop d’update tue l’update ? « Sûrement« , acquiesce-t-il d’abord d’un air grave, avant de faire comprendre dans un sourire qu’il n’en sait rien. « C’est un principe général dans la vie ça, trop de politique tue la politique, trop de guerre tue la guerre, trop de paix finit par tuer la paix (sic)…« .

Enfin sur le gravissime sujet de YouPorn, le sénateur prend le temps de réfléchir. « On va retrouver là la question des monopoles (…), comment va-t-on faire pour empêcher ce que la loi interdit, qui s’appellent les situations dominantes ? Comment on peut empêcher les situations dominantes à part faire ce que l’on fait avec les cimentiers dans le monde, c’est-à-dire les condamner régulièrement au niveau européen ou même au niveau mondial et se retrouver dans une situation où ils sont même capables de payer de très fortes amendes ?« .

Ce que StreetPress met en exergue avec ces interviews, ça n’est pas tellement le fait que les parlementaires en charge de diriger les travaux de régulation du net ne connaissent rien au web et aux nouvelles technologies. Chacun le sait déjà.

En revanche, nous avons devant nos yeux la démonstration à la fois amusante et terrifiante du mode de fonctionnement du législateur, qui applique aveuglément des recettes générales à des situations spécifiques qu’il ne cherche même pas à comprendre. Il est inacceptable qu’un homme politique ne sache jamais répondre par une phrase toute simple qui ne le rendrait pas moins intelligent : « je ne sais pas, je ne comprends pas, expliquez-moi ».

Ses réponses sont révélatrices de la facilité avec laquelle les différents lobbys de toutes parts peuvent jouer de certains députés et sénateurs comme d’une marionnette, et obtenir d’eux ce qu’ils veulent. Qu’importe puisque l’essentiel n’est pas de comprendre mais de réguler, quitte à négliger les conséquences.

« J’ai le sentiment qu’on retrouve une volonté politique de faire les choses, comme pour Hadopi, et Hadopi tout le monde croise les doigts pour que ça marche mais personne n’en est sûr« , confesse Pierre Hérisson dans l’une des vidéos.

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