La Confédération Internationale des Sociétés d’Auteurs et Compositeurs (CISAC) organisera les 7 et 8 juin prochain à Bruxelles son nouveau Sommet du droit d’auteur, sur le thème de la « création de valeur dans l’économie numérique« . Il s’agit d’un évènement de lobbying majeur puisque lors du deuxième et précédent opus, organisé à Washington en 2009, plus de 600 participants de 68 pays, avec les délégués de 290 sociétés, étaient venus défendre la protection accrue du droit d’auteur devant un parterre de décideurs du monde entier. Christine Albanel en personne aurait dû venir s’y exprimer il y a deux ans, mais c’est ce jour-même où elle avait prévu de défendre la riposte graduée à la française devant tout le gratin du droit d’auteur que le Conseil constitutionnel a sanctionné sa loi Hadopi 1, mettant court à son voyage…
Cette année encore, parmi les principaux intervenants au Sommet figureront le commissaire européen chargé du marché intérieur Michel Barnier, connu pour relayer sans aucune prise de distance les études alarmistes et totalement bidons des industries culturelles, et qui prépare un « plan d’action » contre le piratage. Son homologue Neelie Kroes, chargée de l’Agenda numérique et plus nuancée sur le droit d’auteur, sera également de la partie. Au côté d’une centaine de participants.
« Créateurs de renommée mondiale, sociétés d’auteurs, éditeurs de musique et de livres, producteurs audiovisuels, décideurs politiques, médias et fournisseurs de contenus, FAI et opérateurs de télécommunication, sociétés de services et de matériel informatique, experts juridiques et technologiques participeront à ce Sommet pour échanger leurs points de vues et débattre du futur de la propriété intellectuelle et de la diffusion des œuvres créatives (musique, livres, films et photos) à l’ère numérique« , explique la CISAC dans un communiqué.
La liste est longue, presque exhaustive… à une exception près : le public. Aucune association de consommateurs ne semble conviée, pas plus que des représentants du public qui prônent une autre vision du droit d’auteur, comme La Quadrature du Net, l’EFF ou Public Knowledge. L’absence est d’autant plus notable que le programme officiel dit vouloir souligner « la nécessité d’un dialogue constructif sur la protection des droits des auteurs et la diffusion des œuvres à l’ère numérique« . Dialoguer sans inviter au dialogue les utilisateurs finaux des œuvres diffusées, voilà qui est assez curieux. Ou révélateur.
Le droit d’auteur, qui était conçu à l’origine comme l’équilibre entre la nécessaire rémunération des créateurs et le nécessaire accès du public aux œuvres créées, se conçoit désormais sans inviter ces derniers autour de la table. C’est d’autant plus gênant qu’aujourd’hui, la frontière entre le créateur et le consommateur est extrêmement poreuse. Il n’y a jamais eu autant de créateurs amateurs qu’aujourd’hui, et eux aussi ont un droit d’auteur qui mérite voix au chapitre. Le thème « Création de valeur dans l’économie numérique » se subdivise en trois thématiques (Créer, Connecter, Respecter), dont la dernière vise à mieux faire respecter le droit d’auteur dans la société. Mais il ne sera jamais respecté par la société tant qu’il se concevra sans elle ou, pire, contre elle.
« Alors que l’accès aux contenus semble sans limite, et est perçu comme quasiment gratuit par le consommateur, où et comment créer de la valeur dans l’utilisation et la diffusion des œuvres de création? Quels sont les modèles économiques capables de garantir à la fois un vrai retour sur investissement pour les promoteurs de ces plateformes et une juste rémunération pour les ayants-droit ? La solution est-elle dans le » Cloud » ? Quel est le rôle des fournisseurs d’accès à Internet ? Comment les créateurs s’intègrent-ils dans ce nouvel écosystème ? Le Sommet sera le forum idéal pour débattre de ces problématiques, en présence de tous les acteurs du secteur. »
Parions qu’il y sera notamment question de filtrage.
En bonus, le discours qu’aurait dû prononcer Christine Albanel en 2009 :
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