S’il était permis d’en douter il y a encore quelques mois, l’affaire est désormais entendue : le téléchargement d’une œuvre protégée par le droit d’auteur est légal lorsqu’il est réalisé pour son usage propre. Deux affaires successives sont venues confirmer cette interprétation littérale de la loi. La Spedidam rappelle en effet qu' »après l’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier du 10 mars 2005, qui prononçait la relaxe d’un internaute téléchargeur, la Cour d’appel de Paris a condamné, le 22 avril dernier, l’utilisation de mesures de protection technique qui empêchaient d’effectuer des copies d’un DVD » (voir notre actualité du 25 avril).
Quel que soit le support, et quelle que soit la source (original ou non), la copie privée ne peut pas être interdite, et surtout ne peut pas condamnée. « Il n’y a pas lieu d’opérer de distinction là où la loi ne distingue pas« , rappelaient les juges.
Pour la Spedidam, « l’exception pour copie privée doit bénéficier à l’internaute qui procède ainsi à des actes de téléchargement, tant que les copies effectuées demeurent à usage privé« . La société insiste particulièrement sur ce point à la veille des débats sur le projet de loi « Droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information » (tout droit tiré de la directive EUCD), qui auront lieu au mois de juin. Le texte soumis aux parlementaires prévoit d’interdire le contournement des mesures de protection, qui pourtant par nature empêchent la réalisation du droit à la copie privée.
La licence légale est morte, vive la licence globale
Cependant s’il n’y a pas lieu d’opérer de distiction là ou la loi ne distingue pas, la distinction dans le P2P est quant à elle bien connue. Télécharger et mettre en partage, ça n’est pas la même chose. Dans le premier cas, le téléchargement fait que l’on reproduit sur son disque dur ce qui est présent sur le disque dur d’un tiers, il s’agit donc d’une copie, qui dès lors qu’elle est faite pour son usage propre, est dite « privée » et reste légale. A l’inverse, l’upload ou le partage, juridiquement distinct, est une « mise à disposition » qui, elle, est toujours interdite sans l’accord des ayants droit.
Dans une proposition faussement dénommée « licence légale », l’ADAMI avait proposé ce qui n’était alors en fait qu’une extension sur Internet du régime de rémunération de la copie privée qui permet de percevoir une taxe sur les supports vierges. L’idée était de taxer les FAI pour percevoir une rémunération indirecte sur les téléchargements, mais l’ADAMI n’avait pas proposé de solution pour légaliser l’upload. Une mauvaise bonne idée.
« C’est pourquoi nous allons proposer conjointement que soit inséré dans la loi un mécanisme de licence globale qui couvrirait le téléchargement et l’upload« , nous confie Lionel Thoumyre, juriste responsable des NTIC à la Spedidam. L’ancien consultant du Forum des Droits sur l’Internet précise qu’il s’agirait « que la loi confie à un organisme agréé la tâche d’autoriser les utilisateurs à effectuer des mises à la disposition à des fins non commerciales dans le cadre du P2P. Dès lors que les modalités et les conditions de cette mise à la disposition seraient respectées par chacun, les ayants droit ne pourraient plus l’interdire. Mais ces derniers conservent bien sûr la possibilité de négocier, avec les organismes représentatifs des consommateurs et les FAI, l’étendu de ce droit, le mode et la base de rémunération« .
Les téléchargements, considérés comme de la copie privée, et les actes de mises à la disposition du public, feraient tous deux l’objet d’une rémunération au bénéfice des ayants droit qui la percevraient auprès des FAI.
« Nous proposition est entièrement conforme avec les engagements européens et internationaux de la France« , note Lionel Thoumyre, qui indique que cette gestion collective obligatoire légaliserait l’ensemble des mises à disposition de fichiers MP3, dès lors bien sûr qu’elles ne sont pas faites dans un but commercial.
Cette proposition commune à la SPEDIDAM et à l’ADAMI ne sera pas facile à imposer politiquement, mais elle est sans doute inévitable à terme. Il est tout à fait illusoire de croire que le P2P s’arrêtera un jour, ou même qu’il peut s’affaiblir. Aujourd’hui, alors que la politique de répression est très forte et très médiatisée, il continue de croître. Et ça n’est pas l’EUCD qui changera quelque chose à la donne, ni l’obstination des majors à se reposer sur les DRM et sur des extraits de 30 secondes pour vendre leurs chansons.
Selon Lionel Thoumyre, il faut attendre au moins une année avant de voir la proposition adoptée par le Parlement, et quelques mois de plus pour les décrets d’application qui permettront à la société de gestion agréée de se mettre en route.
En attendant, n’est-il pas temps de mettre enfin un terme à la politique absurde de répression engagée par les majors, qui condamne aujourd’hui des jeunes et des familles à des sanctions lourdes (financièrement et moralement) pour des faits qui seront à n’en pas douter légalisés d’ici quelques années… ?
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