La campagne Hadopi pour le label PUR a démarré ce lundi matin, dans la presse, sur le web et sur les affichages publicitaires présents dans la rue et dans les bouches de métro. L’occasion d’analyser le contenu de la campagne et de comprendre pourquoi elle a été si mal reçue dès sa présentation à l’Espace Cardin.

C’est ce lundi que commence la campagne de communication de l’Hadopi, présentée la semaine dernière à l’Espace Cardin. Destinée à vendre les mérites du label PUR de l’autorité administrative, la campagne se décline en affichages sur le web, dans la presse, sur les panneaux publicitaires, ainsi qu’à la radio et sur les chaînes de télévision. Les spots TV seront diffusés lors des fêtes de la musique et du cinéma, les campagnes sur le web se poursuivront jusqu’en septembre, tandis que les espaces publicitaires seront achetés dans la presse jusqu’en juillet.

Dès ce matin, la publicité la ainsi été vue dans certains couloirs de métros de Paris et de Lyon, sur des sites internet comme celui de Libération, et dans certains journaux comme L’Equipe ou le Parisien.

Jusqu’à présent, nous avons peu dit du contenu de la campagne elle-même. Nous avons simplement publié les affiches et révélé les spots TV, et participé à l’hilarité générale à travers notre générateur de caricatures qui, à notre grand désarroi, a remporté bien plus de succès que nos innombrables articles de fond. C’est ainsi. Au sein de la Haute Autorité, les réactions parfois excessives à la campagne ont été très mal reçues. Les positions se sont radicalisées, comme si la campagne avait d’un seul coup ravivé un feu qui s’était progressivement endormi. Par ailleurs selon nos informations, l’actrice qui interprète la déjà célèbre Emma Leprince vivrait très mal certaines insultes proférées à son encontre, ou plus exactement à l’encontre de son personnage. Chez les internautes, la campagne est déjà un flop total. Mais chez le grand public, arrivera-t-elle à convaincre ?

Sur le contenu-même de la campagne, il y aurait beaucoup à dire. Le Parti Pirate en a a déjà commenté certains aspects dans sa pétition de demande de retrait de l’opération publicitaire. Voici ce que nous, nous avons à en dire :

  • Le label « PUR » qui signifie « Promotion des Usages Responsables » témoigne d’un glissement sémantique totalement assumé par la Haute Autorité, de la promotion de l’offre légale à la promotion d’un comportement éthique. Nous ne sommes plus sur le simple domaine de la loi, mais sur celui de la morale. Or une autorité publique investie par le législateur ne devrait pas s’intéresser à la morale, mais à la stricte loi.
  • Par son nom « PUR », le label s’oppose à ce qui est jugé « impur ». Impossible de ne pas repenser aux spécifications fonctionnelles des moyens de sécurisation, qui ont fait l’objet d’une seconde consultation publique. Ils prévoient en effet de se baser sur une liste blanche (les contenus « purs ») et sur une liste « noire » de protocoles, sites internet, fichiers et autres comportements suspects, pour enregistrer toutes les actions de l’utilisateur potentiellement « impures ». Une inquisition moderne.
  • Le choix de l’expression « Sans Hadopi » est révélatrice. C’est après moi le déluge. C’est l’instrumentalisation de la peur de l’avenir plus que la promotion d’un avenir meilleur. Le message n’est pas « avec Hadopi » ou même « avec le label PUR », mais bien « Sans Hadopi, vos enfants ne réaliseront pas leur rêve ». C’est la recherche d’une légitimité dont l’étude menée en début d’année a démontré qu’elle manquait terriblement à la haute autorité, mais qui ne s’appuie sur aucun début d’argumentation logique. Il faut prendre l’affirmation telle quelle.
  • Le contenu-même des spots TV, qu’il faut paraît-il regarder au second degré, est une insulte à la culture. Si la culture doit être ce qui est montré de 2025, le téléchargement devient une opération salutaire. La culture, heureusement, ne se résume pas au pire de la production de l’industrie culturelle dans ses clichés les plus détestables. C’est aussi insultant pour des milliers d’artistes que de laisser croire que sans l’industrie culturelle, la culture et la création disparaîtrait. Il ne faut jamais se lasser de répéter que l’industrie culturelle n’a pas 150 ans d’ancienneté, alors que l’art et la création ont toujours accompagné l’homme où qu’il se trouve sur Terre. Même dans le scénario improbable qui voudrait que la culture industrialisée mourrait sous l’effet d’un piratage destructeur, l’art lui survivrait sous des formes nouvelles. L’histoire de l’humanité est faite d’arts qui ont quasiment disparu sous le poids des technologies nouvelles et des modèles économiques changeants (pensez aux enluminures, aux vitraux, aux papiers peints, aux poèmes épiques, aux peintres portraitistes,…).

Si elle a été aussi mal reçue, sur Internet, c’est parce que cette campagne cristallise la vision d’une culture industrialisée, que l’homme a simplement le droit de consommer sans pouvoir jamais partager. Elle rappelle à quel point la riposte graduée est illégitime, non pas simplement pour sa menace ultime de sanction de suspension de l’accès à internet, non pas seulement pour son processus juridique assis sur des preuves récoltées sans protocole certifié, mais aussi et surtout pour la vision de la société qu’elle entend défendre. C’est cette obsession à vouloir sauvegarder un modèle passé (« Sans Hadopi, l’avenir ne sera plus comme avant ») qui ne passe pas dans l’opinion, au moins sur Internet. Nous verrons bien si le grand public l’accepte davantage, et se prend l’envie de ne plus utiliser que des plateformes PURifiées. Mais ce lundi, au jour de lancement de la campagne, nous en doutons.

(Illustration : @Pym)

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