eBay ne pourra plus systématiquement s’abriter derrière le statut d’intermédiaire technique en cas de litige avec une marque. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a en effet rendu ce mardi un arrêt important qui relativise la portée de ce statut en Europe, en prenant en compte notamment le rôle joué par le site de vente aux enchères dans la transaction en ligne. eBay pourra désormais être tenu responsable de la vente de biens contrefaits.
L’affaire remonte à 2007. À l’époque, l’Oréal avait porté plainte contre la plate-forme américaine dans cinq pays européens (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Royaume-Uni), l’accusant de contrefaçon. La marque française avait en effet remarqué la vente de « faux parfums » et de « faux produits de cosmétiques » sur eBay. Plusieurs plaintes avaient été déposées, et la procédure entamée au Royaume-Uni avait conduit à un renvoi préjudiciel adressé à la CJUE.
Rôle passif, rôle actif
Dans son arrêt, résumé et synthétisé dans un communiqué (.pdf), la CJUE a précisé « certains éléments concernant la responsabilité de l’exploitant d’une place de marché en ligne. Tout en relevant que cette appréciation appartient aux juridictions nationales, la Cour considère que l’exploitation joue un rôle actif de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle des données relatives à ces offres, lorsqu’il prête une assistance consistant notamment à optimiser la présentation des offres à la vente en ligne ou à promouvoir ces offres« .
Ainsi, un exploitant qui joue un rôle actif dans ce processus « ne peut pas se prévaloir de l’exonération de responsabilité que le droit de l’Union octroie, dans certaines conditions, à des fournisseurs de services en ligne tels que des exploitants de places de marché sur Internet« . En l’espèce, eBay. En revanche, un rôle passif permet au site de bénéficier à nouveau du statut d’hébergeur.
Introduit par la directive européenne 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique, le statut d’intermédiaire technique est arrivé en droit français lors de la transposition qui a engendré la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN). Cela permet notamment à l’hébergeur de ne pas être directement responsable des agissements d’autrui, mais l’oblige à retirer les contenus illicites signalés par les ayants droit.
La promotion et l’optimisation des offres
La distinction entre rôle actif et passif peut s’apprécier par les tribunaux en se basant sur les outils fournis et de l’assistance proposée par une plate-forme, ici eBay, afin d’optimiser et promouvoir différentes offres listées ensuite sur le site de ventes aux enchères. Le rôle passif n’est toutefois pas protecteur dans toutes les situations. La place de marché peut également voir sa responsabilité être engagée dans certains cas.
« Même dans le cas où ledit exploitant n’a pas joué un tel rôle actif, il ne saurait se prévaloir de ladite exonération de sa responsabilité s’il a eu connaissance de faits ou de circonstances sur la base desquels un opérateur économique diligent aurait dû constater l’illicéité des offres à la vente en ligne et, dans l’hypothèse d’une telle connaissance, n’a pas promptement agi pour retirer les données en cause de son site ou rendre l’accès à ces données impossible« .
Identification et injonctions
« Ainsi, il peut être enjoint à cet exploitant de prendre des mesures permettant de faciliter l’identification de ses clients vendeurs. À cet égard, s’il est certes nécessaire de respecter la protection des données à caractère personnel, il n’en demeure pas moins que, lorsque l’auteur de l’atteinte opère dans la vie des affaires, et non dans la vie privée, il doit être clairement identifiable« . Autrement dit, le marchand professionnel.
« La Cour estime que le droit de l’Union exige des États membres d’assurer que les juridictions nationales compétentes en matière de protection des droits de la propriété intellectuelle puissent enjoindre à l’exploitant de prendre des mesures qui contribuent, non seulement à mettre fin aux atteintes portées à ces droits par les utilisateurs, mais aussi à prévenir de nouvelles atteintes de cette nature. Ces injonctions doivent être effectives, proportionnées, dissuasives et ne doivent pas créer d’obstacles au commerce légitime« .
L’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne devrait ainsi offrir un éclairage à la justice anglaise, qui doit statuer sur le litige entre eBay et l’Oréal. L’AFP nous apprend par ailleurs la marque française a été déboutée en première instance en Belgique. En France, les deux parties sont dans une phase de médiation.
(photo : CC BY-SA liewcf)
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