Et si la loi qui interdit la dissimulation du visage dans l’espace public s’avérait être un danger pour la protection de la vie privée ? Depuis la loi du 11 octobre 2010, entrée en vigueur en avril 2011, « nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage« . En focalisant son attention sur les burqas, qu’il souhaite bannir de France, le législateur en a oublié de voir plus loin que le bout du voile. Dans ses 22 pages, l‘étude d’impact (.pdf) qui accompagnait le projet de loi n’évoquait pas une seule fois la notion de « vie privée », précisément parce qu’il fallait que la personne « puisse être reconnue et identifiée ».
« La dissimulation du visage dans l’espace public a pour effet de rompre le lien social. Elle manifeste le refus du » vivre-ensemble « « , expliquait le gouvernement. « Les règles élémentaires de sociabilité passent par l’échange, le regard, la parole et supposent, en toute hypothèse, l’exposition réciproque des visages. A l’inverse, voiler intégralement son visage, librement ou sous la contrainte, aboutit à la négation de soi et d’autrui et interdit la mise en place d’une relation entre les personnes. Cette pratique est, en soi, porteuse d’une violence symbolique qui déstabilise le pacte social« .
Mais le pacte social, c’est aussi de pouvoir sortir dans la rue, dans une boutique ou de se mettre seins nus sur la plage sans être immédiatement reconnaissable par quiconque, sans porter sur soi son nom, son âge et toute son histoire. Or la technologie risque rapidement de rendre cette anonyme intimité caduque.
« Ne me dites pas votre nom, je le connais déjà »
Des chercheurs de l’Université Carnegie Mellon, à Pittsburgh, présenteront jeudi à la conférence Black Hat de Las Vegas une étude dans laquelle ils démontrent qu’il est aujourd’hui d’identifier n’importe quel individu et de trouver des informations le concernant en le prenant simplement en photo. Le professeur Alessandro Acquisi et son équipe ont combiné un logiciel de reconnaissance des visages, un service de calcul distribué et les informations librement disponibles sur les réseaux sociaux pour identifier des quidams, en particulier les photos des profils Facebook. Des informations trouvables d’autant plus facilement que des géants du web comme Facebook ou Google veulent faire la chasse au pseudonymat.
Les chercheurs ont ainsi pu identifier des membres d’un site de rencontre qui se croyaient à l’abri derrière un pseudonyme, ou des étudiants qui se promenaient sur le campus, et découvrir leurs centres d’intérêts et parfois leur numéro de sécurité sociale, très sensible aux Etats-Unis.
Surtout, ils ont mis au point une application mobile qui identifie en temps réel les individus, via une vision en « réalité augmentée » de ce que le téléphone filme. La technologie pourra ainsi devenir accessible au plus grand nombre et permettre de voir si, par exemple, la fille que l’on croise est célibataire. En début d’année, nous avions vu que certains travaillent à des lunettes qui pourront discrètement renseigner leur porteur sur les personnes qu’elles croisent.
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