Mise à jour 6 octobre 2011 – L’arrêt de la cour de cassation est tombé. La plus haute juridiction estime que le vendeur professionnel « doit au consommateur » les informations « relatives aux caractéristiques principales d’un ordinateur équipé de logiciels d’exploitation et d’application« , sans préciser quelles sont ces caractéristiques principales. S’étendent-elles, notamment, aux termes de la licence d’utilisation des logiciels ? L’arrêt, en tout cas, ne semble pas résoudre la question de la vente liée. D’où la nécessité de légiférer, sans doute, en seconde lecture du projet de loi.
Mise à jour 4 octobre 2011 : Les députés ont rejeté, mardi soir, par 37 voix contre 22, le seul amendement maintenu pour interdire la vente liée de l’ordinateur et du système d’exploitation. Lionel Tardy, qui avait déposé deux amendements, les a retirés pour attendre un arrêt de la cour de cassation prévu le 6 octobre prochain,dans une affaire qui oppose l’UFC Que Choisir à l’enseigne Darty. Le ministre Frédéric Lefebvre, lui, s’appuie sur une jurisprudence de la cour de justice européenne pour affirmer qu’interdire la vente liée serait une violation du droit communautaire (ce que conteste la députée Frédérique Massat).
La solution de compromis pourrait donc être, non pas d’interdire la vente liée, mais de l’encadrer pour éclairer le consommateur sur sa faculté de refuser le système d’exploitation imposé avec la machine vendue. Reste à rendre ce choix réel en pratique. Le sujet sera tranché lors de la seconde lecture.
Article du 27 septembre 2011 – Alors que le projet de loi sur la protection du consommateur est arrivé à l’Assemblée nationale, les grandes manœuvres parlementaires contre la vente liée ont débuté. Deux amendements ont été déposés en ce sens, l’un par le député UMP Lionel Tardy, l’autre par plusieurs députés socialistes. Tous réclament le découplage de l’ordinateur et du système d’exploitation lors de la vente.
Découpler ordinateur, OS et logiciels applicatifs
Dans son amendement, le n°308, Lionel Tardy veut rajouter un alinéa à l’article L.122-1 du code de la consommation. Il explique que « la vente d’un ordinateur, de son logiciel d’exploitation et des logiciels applicatifs doit être découplée« , en rappelant dans l’exposé des motifs que la séparation ordinateur / OS avait été un engagement pris en 2008 par le gouvernement, via le plan France Numérique 2012.
Le député UMP note que la vente liée « comporte de nombreux inconvénients pour les consommateurs, en modifiant substantiellement leur comportement« . Lionel Tardy a ainsi rappelé l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles le 5 mai dernier. En particulier, l’absence d’information sur le prix des logiciels est une pratique trompeuse empêchant le consommateur de pouvoir comparer et de se faire un avis éclairé.
Et d’enfoncer le clou en rappelant que de « telles pratiques s’apparentaient à des pratiques commerciales déloyales, tant par l’absence d’information du consommateur que par le fait que les constructeurs proposent des machines sans logiciels pré-installés aux clients professionnels tout en les refusant au grand public, ce qui est contraire aux exigences de la diligence professionnelle« .
Le système du code d’activation
La séparation de l’ordinateur et du système d’exploitation est loin d’être impossible. Lionel Tardy évoque ainsi le système du code d’activation qui permet aux professionnels de choisir leurs logiciels mais qui est refusé « sans raison valable » au grand public. Or, le mécanisme a été éprouvé auprès des particuliers via l’écran de choix du navigateur web (ballot screen).
Réclamé par la Commission européenne, cet écran de choix permet à l’utilisateur de sélectionner son navigateur lors de la configuration de sa machine et de ne pas se voir imposer le logiciel par défaut de Microsoft : Internet Explorer. Une dizaine de navigateurs sont proposés, dont les cinq plus importants du marché, qui sont systématiquement mis en avant (Internet Explorer, Firefox, Chrome, Safari, Opera).
Pour Lionel Tardy, un mécanisme similaire pourrait être imaginé pour les systèmes d’exploitation. Dans la mesure où le grand public s’est montré sensible au ballot screen et que les professionnels ont déjà accès à des solutions permettant d’acquérir des stations de travail ou des serveurs en option, rien ne s’oppose à améliorer la situation pour les particuliers. Cela rétablirait le choix des clients et améliorerait la concurrence entre logiciels.
Le choix doit être laissé au consommateur
L’autre amendement, défendu cette fois par des parlementaires de gauche, reprend peu ou prou les mêmes arguments que ceux avancés par Lionel Tardy. Numéroté n°181, il note que « les consommateurs maîtrisent de mieux en mieux les technologies informatiques et expriment de façon croissante le souhait de pouvoir choisir les caractéristiques essentielles de leur équipement, dont le système d’exploitation« .
Signalant la succession de décisions de justice en faveur du découplage de l’ordinateur et du système d’exploitation, l’amendement défendu par les députés socialistes rappelle que la vente liée est une » pratique déloyale au sens de la directive sur les pratiques commerciales déloyales« , dans la mesure où le grand public ne jouit pas des mêmes avantages que le monde professionnel.
La mise en application concrète du découplage sera précisée dans un décret qui établira les modalités d’application, « étant entendu que les solutions concrètes sont connues« . Les députés ont également profité de cette occasion pour rappeler également l’engagement d’Éric Besson en faveur du découplage lors de l’élaboration du plan France Numérique 2012.
Éric Besson sous pression
Remis en 2008, le plan France Numérique 2012 avait pour objectif de déterminer les grandes lignes du quinquennat de Nicolas Sarkozy en matière de développement de l’économie numérique. Parmi les nombreuses actions listées dans le document, deux d’entre elles portent très spécifiquement sur la vente liée. Or, trois ans plus tard rien de concret n’a été réalisé.
Agacée, l’April a récemment rappelé au ministre de l’économie numérique ses engagements pris en 2008. L’association espère que les deux amendements seront intégrés finalement au projet de loi. Reste à savoir si le ministre ne se contredira pas en revenant sur ses promesses. Sa récente déclaration sur la synergie entre logiciel libre et logiciel propriétaire peut-elle être perçue comme un signe positif ?
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