C’est une formulation qui nous a laissée bouche bée, d’autant plus qu’elle émane d’une ancienne ministre de la Culture. Christine Albanel, aujourd’hui directrice exécutive d’Orange pour la communication, le mécénat et la stratégie dans les contenus, était dimanche soir invitée de l’émission Soft Power, sur France Culture. A cette occasion, celle qui a défendu la première loi Hadopi devant le Parlement a évoqué un « droit de lecture » que pourraient acquérir les consommateurs qui souhaitent lire un livre.
Christine Albanel a en effet expliqué la stratégie d’Orange sur les contenus, en prenant en exemple ce que souhaitait faire le groupe autour de la littérature, pour se distinguer des initiatives d’Amazon, Google ou Apple :
Dans le modèle sur lequel nous travaillons en ce moment – je ne sais pas s’il finira par aboutir, j’ai beaucoup d’espoir -, il y a l’idée d’essayer d’intégrer les libraires. Vous le savez, en France il y a un réseau de librairies absolument extraordinaire. Et bien pouvoir aller dans une librairie, acheter un bouquin, et que le libraire vous dise, je ne sais pas, que pour trois euros de plus « vous pouvez avoir la version numérique, et puis cet auteur a fait un autre bouquin que l’on ne trouve qu’en numérique, vous pouvez aussi le trouver sur cette borne…« . Sachant que finalement vous achetez un droit de lecture, France Télécom Orange étant un tiers de confiance, étant celui qui va gérer votre droit de lecture, vous retrouvez beaucoup de vocations de France Télécom Orange : la capacité d’innovation, la sécurité, la pérennité,… et là je trouve que l’opérateur est complètement dans son rôle.
Or qui de mieux placée qu’une ancienne ministre de la Culture pour savoir qu’il n’existe pas de droit de lecture, et que c’est l’effrayante perspective de l’instauration d’un « droit de lire » qui a provoqué une levée de boucliers contre la loi DADVSI et sa protection juridique des DRM ? Le droit interdit la copie d’un livre, son adaptation, sa récitation en public,… mais jamais sa lecture. On ne peut interdire à quelqu’un qui n’a pas acheté un livre de l’emprunter à un ami pour le lire, ou de l’ouvrir dans la bibliothèque ou chez un libraire, pour le parcourir.
La vision exprimée par Christine Albanel est la plus terrible pour la culture. Elle aboutit à exclure ceux qui n’ont pas les moyens financiers, non plus seulement d’acheter les livres pour les posséder chez eux, mais tout simplement de les lire. Celle qui avait participé à l’élaboration du concept de « fracture sociale » aux côtés de Jacques Chirac plaide pour une fracture culturelle.
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