Un député européen propose de placer un mouchard sur chaque appareil connectable à Internet, afin de mieux lutter contre la pédopornographie. Ces « boîtes noires » seraient consultables par la police, la justice ou encore les ONG habilitées. Une pente dangereuse.

Pour justifier le principe du filtrage, les politiques ont utilisé un argument imparable : la nécessaire lutte contre la pédopornographie. Cette tactique est, d’un point de vue politique, tout simplement excellente. Il est en effet impossible de s’opposer à cette idée sans être immédiatement placé dans le camp des pédophiles. Cette mesure, qui vise à protéger les enfants, risque pourtant d’ouvrir une boîte de Pandore et de banaliser le filtrage au lieu de privilégier le retrait des contenus à la source, une méthode qui a démontré son efficacité.

Face à ce fléau, l’opinion publique ne peut évidemment qu’être favorable aux initiatives de ce genre. Comment ne pas être sensible aux menaces qui pèsent sur les mineurs ? Personne ne souhaite laisser prospérer des sites sur lesquels s’échangent des vidéos et des photos mettant des enfants abusés par des adultes. Tout le monde convient qu’il faut lutter contre ce phénomène et punir avec sévérité toute personne liée à ce trafic. Mais cette lutte ne doit pas être dictée par l’émotion mais par la raison.

Or, c’est visiblement sur l’émotion qu’entraîne la pédopornographie au sein de l’opinion publique qu’un député européen compte miser pour soutenir la mise en place de mouchards sur chaque dispositif pouvant se connecter à Internet (ordinateur, téléphone portable, tablette numérique…). Défendue par l’eurodéputé italien Tiziano Motti, son idée consiste à déployer des sortes de « boîtes noires », appelées ici « logbox », sur chaque machine pour surveiller l’activité en ligne de chaque internaute.

Le principe de la boîte noire est de recueillir l’activité de chaque internaute et de transmettre des rapports réguliers à un tiers de confiance, par exemple une organisation non gouvernementale reconnue. Les données collectées seraient chiffrées et ne pourraient être accessibles que par certaines organisations ou personnes. L’ONG, la police ou encore la justice. Pour Tiziano Motti, son idée ne peut qu’être soutenue, car si quelqu’un a quelque chose à cacher, c’est qu’il a quelque chose à se reprocher.

« Cela permet aux citoyens honnêtes d’enregistrer anonymement leurs activités sur Internet d’une manière sécurisée, neutre et globale qui ne peut pas être détournée. Ainsi, les utilisateurs peuvent démontrer clairement qu’ils n’ont pas commis d’actes répréhensibles permettant à la police de ne pas perdre de temps sur des cas qui n’ont rien à voir avec leurs investigations » peut-on lire sur Europa Portalen.

Ce n’est pas la première fois que le député européen Tiziano Motti travaille sur cette question. L’an dernier, il avait défendu un texte législatif avec une collègue parlementaire appelant à la mise en place d’une surveillance des moteurs de recherche et d’une rétention allongée des données au nom de la lutte contre la pédopornographie. Le document avait reçu un accueil favorable, mettant en place un système rapide européen (SARE) contre les pédophiles et les auteurs de harcèlements sexuels.

Reste à savoir quel destin aura la proposition de Tiziano Motti. Christian Engström, député européen portant les couleurs du parti pirate en Europe, a d’ores et déjà fait savoir qu’il fera son possible pour contrer un texte de cette nature. « S’il s’agissait de la Chine, de la Corée du Nord ou de l’Arabie saoudite, que dirions nous ? Il est effrayant de voir dans une Europe démocratique un politique proposer une telle chose. C’est tellement absurde que j’espère vraiment ne jamais à avoir à discuter sérieusement de ça au parlement« .

Découvrez les bonus

+ rapide, + pratique, + exclusif

Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.

Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci

Il y a une bonne raison de ne pas s'abonner à

Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.

Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :

  • 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
  • 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
  • 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.

Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.