Nicolas Seydoux, le patron de Gaumont et président de l’Association de Lutte contre la Piraterie Audiovisuelle (ALPA), demande à l’Hadopi de procéder au filtrage des sites de streaming. Mais elle n’en a ni le pouvoir, ni véritablement l’envie.

Interrogé longuement à l’occasion du Forum d’Avignon qu’il préside, le patron des studios Gaumont et président de l’ALPA s’est exprimé sur de multiples sujets dans le dernier numéro de la lettre Edition Multimédi@, à paraître lundi. Et notamment sur la stratégie à suivre contre le streaming.

Nicolas Seydoux se félicite ainsi du fait que Google a supprimé Allostreaming de son index, et demande que les FAI jouent leur rôle. « Lorsqu’on parle en tête-à-tête avec leurs responsables, (les FAI) disent qu’ils veulent lutter contre le piratage, qui utilise abusivement leur bande passante, à condition que chacun de leur concurrent le fasse en même temps…« , assure l’homme d’affaires qui n’a pas l’air de tout à fait comprendre le rôle des fournisseurs d’accès à Internet, ou fait semblant de ne rien vouloir comprendre. « Parce que les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ont été exceptionnellement efficaces, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, de nouveaux diffuseurs ne sont pas responsables de ce qu’ils éditent« , déclare-t-il en confondant allègrement transporteur, éditeur et hébergeur. « Cette idée que les FAI ne sont que des hébergeurs, entérinée en Asie, aux Etats-Unis et en Europe, est pour la propriété intellectuelle un désastre« . Et loin d’être à une incohérence près, alors qu’il plaide pour que les FAI jouent les gendarmes sur Internet, Nicolas Seydoux dit que « Internet peut être et doit être un outil formidable, mais qui doit être neutre« . On ne doit pas avoir la même définition de la neutralité…

Par ailleurs, le président de l’ALPA – qui est le seul représentant de l’industrie cinématographique habilité à envoyer des adresses IP à l’Hadopi – demande que la Haute Autorité procède elle-même à des mesures de filtrage.

« Les textes de loi autorisent d’envisager des systèmes de filtrage. Ce sera à la Hadopi de les mettre en place, dans le cadre de protection des libertés individuelles. Gaumont, par exemple, pose sur son film une sorte de marque ADN [empreinte numérique, ndlr] et le système de filtrage repèrerait un ADN qui ne pourrait pas passer. Il n’y aurait aucune intrusion dans l’ordinateur de qui que ce soit. Il faut que l’ensemble des systèmes qui permettent le pillage des œuvres de l’esprit cesse« , déclare-t-il.

Sur ce point, l’Hadopi avance à pas comptés, notamment pour des questions politiques d’opposition au CSA. Pour le moment, elle se contente de lancer des missions d’observations des usages de streaming, pour identifier les sites « manifestement utilisés pour une consommation illicite« .

Peut-être ces données pourraient-elles servir aux ayants-droit dans le cadre de la mise en œuvre de l’article L336-2 du code de la propriété intellectuelle, qui dispose que « le tribunal de grande instance, statuant le cas échéant en la forme des référés, peut ordonner (…) toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier« . Mais contrairement à ce que prétend M. Seydoux, en aucun cas l’Hadopi ne peut elle-même actionner le tribunal pour obtenir le blocage d’un site. La loi actuelle dit explicitement que de telles mesures de filtrage ne peuvent être ordonnées qu’à « la demande des titulaires de droits sur les œuvres et objets protégés« . Il est donc étrange que le président de Gaumont renvoie la balle dans le camp d’une autorité administrative qui, quand bien même le souhaiterait-elle (et a priori elle ne le souhaite pas), ne peut pas répondre favorablement à une telle attente.

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