Il y a dix jours, nous nous amusions du communiqué de la Société Civile des Auteurs-réalisateurs-Producteurs (l’ARP), qui s’offusquait que le cinéma soit concerné par la création du taux intermédiaire de 7 % de TVA. « Les cinéastes de L’ARP s’étonnent que le gouvernement français ne considère pas que les biens et service culturels constituent des biens de première nécessité, particulièrement en temps de crise, où la culture demeure un refuge de l’esprit« , écrivaient-ils. Pour eux, la culture doit rester taxée à 5,5 %, au même titre que la nourriture ou l’énergie nécessaire au chauffage.
Présent à Avignon pour prononcer un discours devant les professionnels de la Culture, le président Nicolas Sarkozy a repris cette idée à son compte. Il a expliqué vendredi à la mi-journée que pour la France, les biens culturels sont « des biens de première nécessité ».
Il faudra alors nous expliquer où est la cohérence. « Quel est ce lobby qui prétend dans un même souffle que les films qu’il réalise sont des biens « de première nécessité » (c’est-à-dire nécessaires à la survie !), mais que le fait de les partager avec son prochain doit relever dans le code pénal de peines plus lourdes que l’abandon de famille, le harcèlement moral ou la profanation d’un cimetière ?« , demandions-nous au sujet de l’ARP.
Nous pourrions dire la même chose de Nicolas Sarkozy. Quel est ce président de la République qui prétend dans un même souffle que la culture est un bien de première nécessité, c’est-à-dire nécesaire à la survie de l’être humain, mais qui a fait signer sous le nom pompeux et rarissime d’ « Accords de l’Elysée » ce qui allait devenir la loi Hadopi et sa riposte graduée ?
Soit la culture est effictivement de première nécessité, et alors il faut tout mettre en œuvre pour qu’elle puisse être accessible au plus grand nombre et être partagée librement au plus bas coût possible. Soit il s’agit d’un bien marchand comme les autres, et il faut l’assumer comme tel.
Sans apporter (évidemment) la moindre preuve à une telle déclaration, Nicolas Sarkozy a par ailleurs affirmé que la mise en œuvre de l’Hadopi avait permis de faire reculer le piratage de 35 %. Néanmoins, il s’est dit prêt à l’instauration d’une nouvelle loi Hadopi, qui aurait cette fois pour objectif de lutter contre le streaming. « Le streaming c’est du vol d’un côté, et de l’argent de l’autre« , dénonce-t-il en s’attaquant aux plateformes.
Une telle loi serait bien sûr la voie royale vers le filtrage que demandent les producteurs de cinéma, et qu’ils sont en passe d’obtenir aux Etats-Unis via une loi véritablement inacceptable.
En septembre dernier, la société TMG qui collecte les adresses IP pour les internautes s’est dite prête pour le streaming et le téléchargement direct. Mais collecter des adresses IP sur les plateformes ne peut se faire qu’en installant des sondes chez les fournisseurs d’accès à Internet, ou au niveau des hébergeurs. Ce qui serait une atteinte inédite à la vie privée des internautes.
(illustration : 55fiftyfive55)
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