Lorsque l’on évoque le créationnisme, le cas des États-Unis vient immédiatement en tête. Bien que la communauté scientifique se prononce en faveur de la théorie de l’évolution développée par Charles Darwin, cette doctrine est parvenu à s’enraciner. Elle a même réussi à s’imposer dans le débat, voire à se propager dans certains cas, au nom de la foi et de la liberté d’opinion.
Les États-Unis est pourtant l’arbre qui cache la forêt. Si le créationnisme est assez développé outre-Atlantique, la situation est autrement plus critique dans d’autres pays. C’est le cas de la Turquie, qui sous couvert d’une mesure destinée à contrer les contenus inadaptés en ligne, a bloqué des sites sur Darwin et la théorie de l’évolution. Une attitude autrement plus grave que celle des USA.
C’est le blog Passeur de Sciences qui a remarqué l’information, déplorant un négationnisme biologique. Sur la base de témoignages d’internautes turcs utilisant le système de filtrage mis au point par le Conseil turc des communications et de la technologie de l’information (BTK), il a été constaté que l’accès à de nombreux sites spécialisés sur la théorie de l’évolution ou le chercheur britannique a été refusé.
Un blocage qui n’est certainement pas dû au hasard. Comme le rappelle ce sondage Ipsos publié en début d’année ou cette enquête de Science Mag réalisé en 2006, la population turque est particulièrement sensible à la doctrine créationniste. Plus de 60 % des sondés estiment que cette dernière est valable et rejettentl’idée que l’Homme descend des primates. Seule l’Arabie Saoudite, parmi les pays sondés, va plus loin avec 75 %.
Face à la polémique grandissante sur la décision du BTK de classer la théorie de l’évolution et Charles Darwin dans la même catégorie que le terrorisme, la violence, la pédopornographie ou la pornographie, les autorités turques sont revenues à plus de sagesse. L’intervention de Reporters Sans Frontières et de la presse turque ont ainsi permis de lever le blocage de la plupart des sites web.
Cette affaire, anecdotique de prime abord, révèle à nouveau les relations délicates qu’entretient la Turquie avec le réseau des réseaux. Ce n’est en effet pas la première fois que le pays, qui aspire à devenir membre de l’Union européenne, décide de bloquer des sites pour des motifs critiquables – et critiqués. RapidShare et FileServe ont ainsi été bannis, tout comme l’avait été YouTube pendant trois ans.
La situation en Turquie est évidemment surveillée de près par RSF, qui maintient depuis plusieurs années le classement du pays dans la catégorie « pays sous surveillance ». Avec la récente introduction de la loi sur le filtrage des contenus sur Internet, nul doute que sa position ne va pas évoluer favorablement. Et ce n’est pas le soutien manifeste à un rapport onusien sur la liberté en ligne qui changera la donne.
À l’échelon européen, les décisions du BTK et / ou l’instauration de lois telles que celle qui est entrée en vigueur cet été et qui prévoit d’obliger les FAI à proposer différents paramètres de filtrage aux abonnés pourraient diminuer les chances de la Turquie d’intégrer l’Union européenne. C’est en tout cas un point que souhaite rendre incontournable une eurodéputée néerlandaise.
« Étant donné que la Turquie est candidate à l’adhésion à l’Union européenne, cette dernière devrait réagir à l’introduction de filtres sur internet, qui menacent la liberté d’expression et les libertés civiles » avait-elle notamment souligné.
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