Après les révélations de Numerama, qui indiquait lundi que les organes vitaux de l’Hadopi n’avaient plus le nombre de membres requis par la loi, la présidente de la Commission de protection des droits de l’Hadopi a réagi dans les colonnes de nos confrères d’Electron Libre. Bien sûr, elle rassure d’emblée sur le fait que l’Hadopi continue d’exister.
« La constitution de l’organisme collégial, doté d’un mandat de 6 ans, s’établit avec un roulement de 6, 4 et 2 ans selon les membres. Ce dispositif évite qu’on ait un moment où tout doit être arrêté. C’est la démonstration par l’absurde que ce qui est dit est faux« , assure la magistrate.
A chacun ses démonstrations. Mireille Imbert-Quaretta choisit l’absurde ; nous préférons nous appuyer sur le compte rendu officiel des débats parlementaires.
Il est « nécessaire de prévoir des durées variables au moment de la mise en place de la HADOPI afin que son renouvellement ne s’effectue pas d’un bloc« , avait expliqué dans l’hémicycle le rapporteur du projet de loi, Franck Riester. Mais bien évidemment pas pour anticiper une défaillance du gouvernement qui oublierait de renouveler les mandats, ce qui serait effectivement absurde. L’explication est toute autre. Elle figure dans les motifs de l’amendement n°105 qu’avait adopté l’Assemblée Nationale. Il s’agissait de « conférer une meilleure continuité à l’institution« , et d’inscrire « les effets de l’action de la commission de protection des droits dans la durée et éviter toute tentation, pour certains pirates, de tester la formation à l’occasion d’un profond renouvellement« . En clair, la majorité a voulu éviter toute tentation pour l’opposition de changer d’un seul coup tous les membres de l’Hadopi, ce qui aurait pu en affaiblir les pouvoirs. En prévoyant un renouvellement par tiers, elle s’assure que le « nouveau tiers » ne puisse pas renverser la majorité dans les décisions.
Mireille Imbert-Quaretta assure par ailleurs qu’il faut « différencier la phase de constitution, où tant que toutes les personnes ne sont pas nommées, elle n’a pas une existence« , et la suite où « il peut arriver des événements imprévus par la loi, (et) c’est pour cela qu’il existe des règles comme le quorum« . La loi prévoit en effet que pour prendre ses décisions, au moins cinq membres du collège doivent être présents, et deux pour la Commission de protection de droits. Il serait donc possible d’agir sans que l’ensemble des membres prévus par la loi soient nommés. C’est également un avis défendu avec force sur Twitter par Benoît Tabaka, le secrétaire général du Conseil National du Numérique.
Mais nous ne le partageons pas.
La règle du quorum, évidemment nécessaire, vise à résoudre les situations pratiques dans lesquelles certains des membres nommés ne peuvent pas assister aux réunions. Ils peuvent alors envoyer leur suppléant, également nommés dans le décret de nomination des membres de l’Hadopi ; et si le suppléant est lui-même absent, la règle du quorum vise à s’assurer que les décisions peuvent tout de même être prises par un nombre suffisant de membres présents. C’est une règle de bon sens, qui évite la paralysie de l’administration à la moindre absence.
Mais ici l’affaire est bien différente, même si le problème juridique est purement théorique en l’absence de contestation judiciaire. Le problème en l’espèce n’est pas que certains membres de l’Hadopi ne soient pas présents aux réunions, mais que des membres de l’Hadopi n’existent tout simplement pas. S’il n’y a plus que six membres à bénéficier d’un mandat, alors la loi qui dit que « le collège de la Haute Autorité est composé de neuf membres » n’est plus respectée. Ca n’est pas une question d’interprétation mais de simple lecture de la loi.
Lire la loi autrement est hasardeux pour la démocratie. Cela voudrait dire que le gouvernement pourrait ne jamais valider la nomination de certains membres, pourvu que le quorum soit atteint. Imaginez alors le cas où un gouvernement puisse bloquer la nomination d’une personnalité désignée par le Sénat, qui est aux mains de l’opposition. Même si ça n’est évidemment pas (souhaitons-le) la raison du blocage, c’est justement le cas avec les nominations de l’Hadopi. Outre une personnalité désignée par la Cour des comptes et par le Conseil d’Etat, le gouvernement doit aussi officialiser la nomination au collège de l’Hadopi d’une personnalité désignée par le président du Sénat.
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