L’eurodéputé et président du Front de Gauche, Jean-Luc Mélenchon, est un adversaire farouche de l’Accord Commercial Anti-Contrefaçon (ACTA) et des lois anti-piratage voulues par les Etats-Unis. Il estime que la signature de l’accord international par l’Europe est « une ignominie ».

A l’occasion d’une interview pour YouTube, l’AFP et le Centre de Formation des Journalistes, Jean-Luc Mélenchon est revenu sur les textes en préparation pour renforcer les droits de propriété intellectuelle dans le monde.

« J’ai voté contre une résolution du Parlement Européen qui protestait contre l’opacité de la négociation » de l’ACTA, rappelle le candidat du Front de Gauche, en référence à la résolution de mars 2010 sur la transparence de l’ACTA. « Moi je ne proteste pas contre l’opacité, je pense que c’est absolument illégitime« , dénonce-t-il. On se souvient d’ailleurs que quelques mois plus tard, en novembre 2010, les mêmes députés européens qui avaient contesté l’opacité des négociations ont approuvé la direction prise par l’accord international.

En revanche, Jean-Luc Mélenchon se trompe de cible lorsqu’il s’en prend à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) pour dénoncer la légitimité de l’accord. « On ne voit pas pourquoi l’OMC se substituerait à l’Organisation des Nations Unies« , dit-il. Or l’OMC n’a rien à voir avec l’ACTA, ce qui est pire encore.

Il faut refaire un peu d’histoire pour le comprendre. Les Nations Unies que soutient l’eurodéputé sont en effet l’hôte de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), qui a longtemps gouverné les accords internationaux relatifs au droit d’auteur et aux brevets. La montée en puissance des pays émergents au sein de l’OMPI a convaincu les pays industrialisés de se tourner dans les années 1990 vers l’OMC, qui a exercé un chantage aux marchés agricoles pour obliger les pays émergents à signer en 1994 les accords ADPIC sur la protection renforcée des droits de propriété intellectuelle. C’est sur cette période que reste bloqué Jean-Luc Mélenchon. Mais depuis, les pays du Sud ont également gagné du poids au sein-même de l’OMC, et font pression pour adopter de nouveaux traités plus favorables à un assouplissement des règles de protection des droits d’auteur et des droits de propriété industrielle.

Or comme nous l’avions expliqué en découvrant le contenu de l’accord, l’ACTA vise précisément à instituer une nouvelle organisation internationale, en marge à la fois de l’OMPI et de l’OMC, pour faire barrage aux états du Sud qui n’ont pas été invités à la négociation. Il est donc un raccourci peut-être trop rapide de dire, comme le fait Jean-Luc Mélanchon, que l’OMC est « une organisation nuisible pour l’Humanité tout entière« . Elle est ce que les hommes en font, et l’inquiétant est que certains tentent de la contourner lorsqu’elle ne fait plus ce pour quoi elle avait été imaginée.

« Je m’oppose fermement au fait que le Conseil européen a signé l’accord ACTA, c’est une ignominie« , condamne en conclusion Jean-Luc Mélenchon, en référence à la signature de l’accord le 26 janvier dernier, qui a provoqué la démission du rapporteur de l’ACTA au Parlement Européen.

Le candidat s’attaque ensuite aux lois SOPA/PIPA en cours d’examen aux Etats-Unis. « Il y a 13 serveurs sur lesquels aboutissent pour finir tout dans le monde« , dit-il au sujet des serveurs racines du DNS. « 9 sont aux Etats-Unis d’Amérique. PIPA, SOPA et le reste, c’est le moyen pour les Etats-Unis d’Amérique de tout contrôler. C’est pas une affaire seulement de liberté sur Internet. C’est que sous prétexte de protection des droits de propriété intellectuelle, ils vont vérifier en amont toute la circulation de l’internet« , affirme Jean-Luc Mélenchon, avec un brin d’exagération. Les serveurs racine (ou « roots ») n’ont absolument et heureusement pas pour fonction de recueillir tout le trafic mondial, mais simplement d’organiser le fléchage des routes à prendre pour accéder aux différents contenus. Quant aux lois SOPA/PIPA, certes redoutables, elles ne visent pas à imposer un impossible monitoring de tous les contenus échangés sur Internet, mais à bloquer l’accès à des sites internet, interdire leur indexation par les moteurs de recherche ou bloquer les flux financiers à leur bénéfice.

Dans le détail, les propos fougueux de Jean-Luc Mélenchon manquent donc parfois de rigueur. Mais sur le ton général, on aura bien compris que l’eurodéputé candidat à l’élection présidentielle est contre tout renforcement des droits de propriété intellectuelle et contre toute surveillance du net. Et c’est sans doute là l’essentiel.

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