Parmi les pays ayant participé aux négociations sur l’accord commercial anti-contrefaçon (ACTA), l’opposition la plus vive vient de l’Europe de l’Est. En effet, la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie et la Roumanie ont manifesté, à différents niveaux et dégrés, leur hostilité à l’égard de ce traité international.

Qui l'eût cru ? Ce n'est pas dans les pays d'Europe de l'Ouest, traditionnellement rattachés au "monde libre", que l'on trouve l'opposition la plus vive contre l'accord commercial anti-contrefaçon (ACTA). C'est dans l'ancien bloc de l'est, sous le joug de l'URSS, que l'hostilité à l'égard du traité international est la plus marquée, donnant ainsi au passage une leçon de démocratie aux pays occidentaux.

Plusieurs évènements permettent en effet de constater un curieux décalage au sein de l'Union européenne. Alors que la Commission européenne et la plupart des pays membres (22 sur 27) ont signé l'ACTA lors d'une cérémonie donnée au Japon, seuls les pays d'Europe de l'Est semblent suspendre voire remettre en cause le processus de ratification du traité international.

La Pologne

Il y a tout d'abord le cas de la Pologne, où d'importantes manifestations se sont produites pour réclamer l'arrêt de la procédure d'adoption. Face à la grogne de la rue et le coup d'éclat de quelques parlementaires, qui ont brandi le masque de Guy Fawkes en hommage aux Anonymous, le premier ministre polonais a suspendu la procédure, le temps de contrôler la compatibilité du traité avec la législation du pays.

Soulignons toutefois que la pause demandée par le gouvernement polonais ne signifie pas nécessairement que la Pologne va éjecter définitivement l'ACTA, même si le premier ministre a évoqué cette hypothèse. L'heure est pour le moment à des consultations élargies. Une chose est sûre, "Le processus de ratification sera gelé tant que nous n'aurons pas dissipé tous les doutes" a-t-il affirmé

La République Tchèque

Du côté de la République Tchèque, même trajectoire. Le premier ministre Petr Nečas souhaite lui aussi mesurer l'impact de l'ACTA sur la législation nationale. En attendant d'obtenir une analyse approfondie, le gouvernement a gelé lui aussi le processus de ratification. Tout comme en Pologne, des manifestations se sont déroulées dans plusieurs villes tchèques, notamment Prague, pour demander l'arrêt de l'ACTA.

"En aucun cas, le gouvernement acceptera une situation dans laquelle les libertés civiques et le libre accès à l'information seraient menacés" a notamment expliqué le premier ministre tchèque, même si le pays a signé comme la Pologne le traité lors de la cérémonie japonaise. "Nous devrons vraiment observer l'impact que [le traité] aurait dans la vie réelle" a-t-il ajouté.

La Slovaquie

Même son de cloche en Slovaquie. Le pays, qui fait partie de la minorité des nations qui n'a pas signé l'ACTA en janvier dernier, a lui aussi freiné des quatre fers. Le ministre de l'économie et des travaux, Juraj Miškov, a expliqué qu'un large débat public est nécessaire avant de poursuivre la procédure d'adoption. "Je ne soutiendrai pas un traité qui limite les droits et les libertés de chacun" a-t-il expliqué, cité par l'AFP.

La Roumanie

Selon les informations rapportées par Romania-Insider, la Roumanie s'interroge aussi de la pertinence du traité ACTA. Si le pays a effectivement signé le document le 26 janvier dernier à Tokyo, ce ne signifie pas pour autant que celui-ci entrera en vigueur. Le ministre de l'économie, du commerce et du milieu des affaires, Adriean Videanu, compte en tout cas organiser des consultations publiques sur le traité.

"Les consultations publiques auront lieu en Roumanie avant toute ratification de l'accord par le parlement, bien que l'ACTA ne nécessite pas de changements dans la législation roumaine ou communautaire" a commenté Ioana Muntean, porte-parole du gouvernement. Mais si le pays apparaît comme la nation le moins hostile par rapport à celles citées précédemment, cela ne signifie pas qu'il y aura un quelconque forcing.

"Si les consultations avec la société civile et si les débats au sein du parlement roumain concluent que l'accord ne doit pas être ratifié, alors cela n'arrivera pas" a-t-elle ajouté.

Les pays qui n'ont pas signé

En plus de ces quatre pays de l'Est, entrés dans l'Union européenne en 2004 (Pologne, République Tchèque et Slovaquie) et 2007 (Roumanie), il faut également s'attarder sur quatre autres nations qui n'ont pas signé l'ACTA lors de la cérémonie japonaise du 26 janvier. Officiellement, ce décalage entre les 22 pays signataires et les 5 autres est présenté comme un souci de nature technique.

Parmi ces cinq États, nous retrouvons deux pays de l'Est – la Slovaquie, citée plus haut, et l'Estonie -, deux nations de l'Ouest – l'Allemagne et les Pays-Bas – et un pays méditerranéen – Chypre -. Rappelons également les regrets, un peu tardifs, de l'ambassadrice de la Slovénie au Japon.

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