La transformation progressive de YouTube en un média à part entière n’est pas de nature à ravir les chaînes de télévision, qui subissent depuis quelques années une concurrence accrue en provenance d’Internet. Très sollicités, les téléspectateurs-internautes doivent jongler avec les programmes télévisés traditionnels et les contenus déversés par les nouveaux canaux de diffusion.
Mais pour le président du groupe Canal+, Bertrand Meheut, la compétition est inégale. Dans une tribune signée dans Le Monde, il déplore l’absence de règles du jeu communes à tous. Ces « nouvelles formes de concurrence qui se dessinent ont tendance à s’affranchir de ces règles », au risque de fausser le jeu et d’affecter à terme le financement des filières audiovisuelle et cinématographique.
« Nous voyons apparaître de nouvelles offres dont le mode de distribution échappe à toute contrainte réglementaire ou fiscale. Je pense en particulier aux grands acteurs mondiaux d’Internet, qui profitent de l’arrivée des téléviseurs connectés pour proposer des offres standardisées » s’émeut Bertrand Méheut, qui a souligné les centaines de millions d’euros injectés chaque année par son groupe dans la création.
Et le président du groupe Canal+ a une entreprise très précise dans le collimateur : Google. Il rappelle ainsi l’objectif de la firme de Mountain View de créer sur sa plate-forme de streaming, YouTube, pas moins de vingt chaînes de télévision. Or, cette même société a aussi de grandes ambitions dans les téléviseurs connectés. Il suffit de voir le projet Google TV.
« Ces sociétés ne sont pas soumises aux taxes et obligations qui incombent aux acteurs français, au premier rang desquels le Groupe Canal+, pour soutenir la filière audiovisuelle française » poursuit le chef d’entreprise, qui demande implicitement que YouTube soit contraint aux mêmes obligations, aux mêmes règles, aux mêmes taxes que les chaînes de TV classiques.
« Pourquoi Apple a-t-il installé le siège d’iTunes Europe au Luxembourg ? Pourquoi Google a-t-il choisi l’Irlande pour développer son activité en Europe ? Pour bénéficier de régimes fiscaux favorables. Pour alléger leurs obligations » s’interroge-t-il. Et de mettre en garde sur une dégradation du niveau de financement destiné à produire de nouvelles œuvres, de nouveaux contenus.
« Qu’on ne s’y trompe pas : ce n’est pas au nom de la liberté d’Internet qu’ils cherchent à s’exonérer de ces contraintes, mais bien pour des raisons économiques. […] Ces sociétés ne sont pas soumises aux taxes et obligations qui incombent aux acteurs français, au premier rang desquels le Groupe Canal+, pour soutenir la filière audiovisuelle française » conclut-il.
Le constat fait, Bertrand Meheut se garde néanmoins d’avancer une piste en particulier. Peut-être sera-t-il sensible à la suggestion du producteur de musique Patrick Zelnik consistant à imposer une nouvelle taxe sur les « grands opérateurs du net » ou suivra-t-il la piste du sénateur Philippe Marini qui propose notamment de prélever un certain montant sur les revenus publicitaires.
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