Après de multiples contradictions et tergiversations, le programme de François Hollande en matière d’accès aux œuvres culturelles sur Internet s’est enfin consolidé. Le candidat socialiste ne légalisera pas les échanges non-marchands entre internautes, créera de nouvelles taxes et apportera des modifications substantielles à la loi Hadopi et à son dispositif de riposte graduée, après une phase de consultations.
François Hollande est également opposé au principe de la licence globale. « On paye 2 euros et on télécharge tout ? Non, c’est une solution (trop) facile« , a déclaré le candidat socialiste dans une interview donnée à Libération début octobre. Pourtant, l’ancien premier secrétaire n’a pas toujours été hostile à la licence globale ou à la contribution créative.
En août dernier, il avait reconnu qu’un tel dispositif « pourrait être une solution alternative » et même plaidé pour que la France mène « au plus haut niveau une réflexion sur la propriété intellectuelle à l’ère du numérique« . Cette piste avait même été défendue en 2009 par le groupe socialiste à l’Assemblée nationale, pendant les débats sur le projet de loi Hadopi.
Patrick Bloche évoque une contribution des internautes
La contribution créative est-elle donc définitivement enterrée ? Dans un entretien accordé à Stratégies, Patrick Bloche – actuel député de Paris, très engagé contre la loi Hadopi en 2009 et pressenti pour être le ministre de la culture et de la communication si François Hollande remporte l’élection présidentielle – laisse entendre en filigrane son possible retour… sous une forme ou sous une autre.
« Dans ce que nous reprochions à Hadopi, il y avait le fait que cette loi ne rapportait pas un euro à la création avec un nouveau mode de rémunération du droit d’auteur. » explique l’élu. Selon lui, François Hollande veut procéder autrement. S’il « est élu le 6 mai, on réunit tout le monde autour de la table et on discute. Est-ce qu’on mettra à contribution les internautes…?«
Le PS a soutenu la licence globale puis la contribution créative
À cette question, le parlementaire n’apporte aucune réponse. Il souligne simplement que le Parti socialiste a d’abord été pour la licence globale en 2006 et 2007, puis favorable à la contribution créative en 2009. Que fera le candidat socialiste ? « François Hollande n’a pas voulu préempter le débat sur ce sujet« . Mais, la rémunération du droit d’auteur sans la contribution des internautes est une voie bien incertaine.
« Si on peut rémunérer le droit d’auteur sans faire contribuer les internautes, je prends. Il ne faut pas être dans le mythe d’une solution miracle et d’un nouveau mode de financement de la création : il y aura forcément de nouveaux financement, au pluriel, pour la musique, le cinéma, le livre… En l’occurrence, il faudra trouver des dispositifs après avoir évalué sérieusement les besoins de financement de la création« .
Toute la question est de savoir si la contribution des internautes au financement de la création leur ouvrira de nouveaux droits. Or sur ce sujet, rien n’est moins sûr. Cette vraie-fausse contribution créative pourrait prendre la forme d’une simple taxe sans la moindre contrepartie pour les internautes puisque François Hollande refuse toute légalisation du partage hors marchand et s’oppose au principe de la licence globale.
Martine Aubry favorable à la légalisation du partage non lucratif de la musique
C’est une posture bien différente de celle qu’a tenu Martine Aubry lors des primaires socialistes. Celle-ci avait suggéré une participation des internautes de l’ordre de un à trois euros (le montant exact a varié au cours de la primaire). En échange, la première secrétaire aurait défendu la légalisation des échanges de musique hors marché et à des fins non lucratives sur Internet.
« L’idée c’est de commencer par la musique et d’y aller étape par étape » a expliqué Christian Paul, tandis que Patrick Bloche a estimé que « tout n’est pas défini, le modèle reste à inventer. Ce prélèvement concernerait d’abord la musique, les industries du cinéma et du livre sont très différentes et, financièrement, souffrent moins du téléchargement illégal« .
Chercher de nouvelles sources
Pour financer la filière culturelle, le Parti socialiste explore de multiples pistes. Interrogée par Libération, la responsable du pôle culture auprès de François Hollande, Aurélie Filippetti, a expliqué que des prélèvements allaient toucher « les acteurs qui ont bénéficié d’un transfert de valeur ajoutée : ce sont les fabricants de matériel, les fournisseurs d’accès, les plateformes comme Google ou Amazon« .
L’élue s’est également montrée favorable à la taxation des flux au titre de la copie privée, ce qui signifie en réalité la taxation des services situés dans l’informatique en nuage (cloud computing). Dans tous les cas de figure, c’est le consommateur qui supportera ces nouvelles dépenses, directement ou non.
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