En réaction à l’émotion suscitée par les drames de Toulouse et de Montauban, Nicolas Sarkozy a annoncé jeudi de nouvelles mesures législatives destinées à lutter plus efficacement encore contre le terrorisme. Parmi les trois propositions, le chef de l’État s’est montré favorable à la création d’un délit pénal visant à sanctionner la visite fréquente de sites faisant l’apologie du terrorisme ou répandant une certaine forme d’idéologie.
RSF déplore une surveillance généralisée
Cette annonce n’a pas manqué de faire réagir. Reporters Sans Frontières, qui a rétrogradé la France en la plaçant dans la liste des pays sous surveillance, s’est ainsi inquiété de la manière dont une telle mesure sera appliquée. « Est-ce que cela veut dire que l’on va mettre en place en France une surveillance généralisée du web pour savoir qui a accès à quoi ? qu’est-ce qu’un site qui appelle à la violence ? » s’est demandée l’ONG.
« On se trompe de cible en s’en prenant à internet, il y avait du terrorisme avant internet. Au lieu de criminaliser la consultation des sites, on a plutôt envie de voir que les efforts se concentrent sur les gens qui alimentent ces sites et qui sont responsables d’actes terroristes« , a ajouté Lucie Morillon, interrogée par l’AFP. La responsable des nouveaux médias a également des dommages collatéraux d’un tel texte.
Si le but initial est d’empêcher des terroristes en puissance d’acquérir des connaissances, d’obtenir des instructions ou d’alimenter leur idéologie, quid des journalistes, des criminologues, des policiers, des représentants de la justice ou des sociologues qui peuvent être amenés à consulter régulièrement ces sites ? Faudra-t-il les poursuivre, tout comme le djihadiste en herbe ?
C’est la liberté d’expression et d’information qui est directement menacée par un tel projet. Sans parler des répercussions possibles en matière de vie privée. Comment contrôler effectivement la navigation des internautes ? C’est la porte ouverte à une surveillance généralisée et automatisée… d’autant qu’il n’est pas encore précisé ce qu’est une « consultation habituelle ». À partir de quelle fréquence devient-elle habituelle ?
Le gouvernement veut prendre ces mesures rapidement
Dans les heures qui ont suivi la déclaration de Nicolas Sarkozy, la porte-parole du gouvernement, Valérie Pécresse a indiqué que l’élaboration de la nouvelle peut se faire avant le premier tour de l’élection présidentielle, de sorte qu’elle puisse être discutée en Conseil des ministres. Problème, le texte ne pourra pas être voté par le parlement avant les prochaines élections législatives, en juin 2012.
Or, les travaux du parlement français sont actuellement suspendus à cause de l’élection présidentielle et de la campagne électorale. Selon le calendrier actuel, les députés et les sénateurs ne reprendront le travail qu’à la fin du mois de juin, une fois que les deux scrutins seront passés. Mais c’était sans compter la détermination du gouvernement et de l’UMP sur ce dossier.
François Fillon a déclaré ce matin qu’il consultera « les groupes politiques de l’Assemblée et du Sénat pour voir, ce qui devrait être le cas dans pareilles circonstances, s’il y a un consensus pour voter ces textes, auquel cas on pourrait les voter avant les élections présidentielles« , contrairement aux premières déclarations de Valérie Pécresse. La droite est manifestement décidée à aller très vite.
Même si la session parlementaire est de fait close depuis le 6 mars, juridiquement elle peut être ré-ouverte jusqu’au 17 juin. Ça n’a jamais été fait dans la 5ème République, mais juridiquement rien l’interdit. Une possibilité loin d’être innocente, comme l’a confirmé Nathalie Schuck, journaliste au Parisien. « L’idée de tendre un piège au Parti socialiste en convoquant le Parlement pour voter les mesures antiterroristes avant le 6 mai a été arbitrée hier à l’Élysée« .
Il s’agit d’un piège machiavélique. En poussant les parlementaires à se déterminer avant l’élection présidentielle, la droite cherche à révéler d’éventuelles dissonances au sein de l’union nationale contre le terrorisme… pour mieux pouvoir ensuite accuser la gauche d’angélisme et / ou de mollesse. Et en tirer des avantages électoraux supplémentaires. Même si les propositions de Nicolas Sarkozy sont improvisées et juridiquement contestables.
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