La Commission Européenne veut rouvrir le chantier de la responsabilité civile et pénale des prestataires qui hébergent des contenus sur Internet, en proposant de modifier l'article de la directive de 2001 qui régit la procédure de retrait des contenus illicites.

Mise à jour : il n'y a plus que deux jours pour répondre à la consultation publique, intitulée "un Internet propre et ouvert". Notez que malgré l'importance cruciale du sujet, la consultation n'a jamais été traduite dans une autre langue que l'anglais.

Article du 5 juin 2012 –

La Commission Européenne a lancé cette semaine une consultation publique qui restera ouverte jusqu'au 5 septembre 2012, pour recueillir l'avis des internautes et des acteurs privés sur la nécessité ou non de faire évoluer l'article 14 de la directive de 2001 sur le commerce électronique. Celui-ci aménage un régime juridique spécifique aux hébergeurs de contenus pour leur assurer l'immunité dans le cas où ils hébergeraient des contenus illégaux, à condition que :

a) le prestataire n'ait pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites et, en ce qui concerne une demande en dommages et intérêts, n'ait pas connaissance de faits ou de circonstances selon lesquels l'activité ou l'information illicite est apparente
ou
b) le prestataire, dès le moment où il a de telles connaissances, agisse promptement pour retirer les informations ou rendre l'accès à celles-ci impossible.
Après une première consultation publique en 2010, la Commission a noté que l'essentiel de la directive de 2001 était appréciée par les acteurs, mais que l'article 14 posait selon elle trois difficultés :
  1. Une trop grande diversité dans les transpositions de la directive par les états membres, et dans l'interprétation des règles par les tribunaux nationaux. En particulier, la directive serait trop imprécise pour définir clairement le moment où l'hébergeur est censé avoir "effectivement connaissance" du caractère illégal d'un contenu qu'il héberge, ou lorsqu'elle demande d'agir "promptement" (en France, le terme a été laissé tel quel dans la loi LCEN de 2004, alors que d'autres pays comme l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la Hongrie ou l'Espagne imposent des délais précis de quelques heures ou quelques jours) ;
  2. Les contenus illégaux resteraient trop longtemps en ligne avant d'être retirés ;
  3. Les droits fondamentaux des utilisateurs qui publient les contenus retirés ne seraient pas toujours respectés, le doute profitant toujours à la personne qui demande le retrait du contenu plutôt qu'à la liberté d'expression.

Si l'on en croit les indices laissés par la Commission à travers ses questions, et surtout la communication qu'elle avait faite au début de l'année, la consultation devrait aboutir à une hausse des exigences de chaque côté. Les ayants droit devront être plus précis dans leurs demandes de retraits de contenus. En échange, les hébergeurs devront agir beaucoup plus rapidement.

Cependant, la Commission semble aussi vouloir éviter le retrait des contenus sans avoir permis à l'internaute de se défendre au préalable, ce qui semble difficilement compatible avec l'exigence de rapidité d'intervention. Ce sera là le plus gros noeud du problème.

Par ailleurs, la consultation pourrait aboutir à exclure certains types de prestataires du régime protecteur, qui avait surtout été imaginé pour rassurer les entreprises qui louent des serveurs pour l'hébergement de sites internet. La Cour de Justice de l'Union Européenne a depuis fait une interprétation extensive du régime, en allant jusqu'à l'appliquer aux réseaux sociaux, comme l'a fait en France la cour de cassation à propos de Dailymotion.

Peut-être la révision de la directive aboutira-t-elle donc à une forme de régimes en cercles concentriques, avec différents niveaux de protection et d'obligations en fonction de la nature du service. C'est ce qu'avaient imaginé en France les sénateurs Laurent Béteille (UMP) et Richard Yung (PS), qui avaient proposé l'an dernier la création d'un statut d'éditeur de services, intermédiaire entre l'hébergeur et l'éditeur de contenus. Il prévoyait que les éditeurs de services en ligne aient l'obligation de surveiller les informations transmises par leurs utilisateurs, pour empêcher toute activité illicite. Une idée qu'ils ont finalement abandonnée.

La semaine dernière, le député Jean Dionis du Séjour, rapporteur en 2004 de la loi LCEN de transposition de la directive européenne, s'est interrogé sur la nécessité de faire évoluer les textes après la défaite de TF1 contre Dailymotion. "Evolution des usages depuis 2004, plus de porosité des statuts d'hébergeurs et d'éditeurs, à redéfinir dans une LCEN 2 ?", s'interrogeait-il sur Twitter.

Déjà en 2008, Jean Dionis du Séjour avait plaidé pour que Dailymotion surveilles contenus en amont.

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