La Suisse n’en a pas terminé avec la licence globale. Malgré les fortes réticences du Conseil fédéral apparues dans un rapport dévoilé fin 2011, le politique Luc Recordon a défendu le principe d’une contribution financière en échange de la légalisation des échanges non-marchands sur Internet.

Évoquée à plusieurs reprises lors de la campagne électorale, la licence globale a finalement été écartée du programme numérique de François Hollande. Un temps intéressé par ce mécanisme, le nouveau président de la République a depuis changé d’avis. Pas question de troquer la loi Hadopi par la licence globale, une « solution trop facile » à ses yeux. Mieux vaut une révision du dispositif et l’instauration de nouvelles taxes.

Ces problématiques ne sont pas propres à la France. De l’autre côté des Alpes, la rémunération des créateurs, la lutte contre le piratage et l’accès aux œuvres sont des sujets qui préoccupent aussi la classe politique suisse. Preuve en est avec la proposition de Luc Recordon. Celui-ci suggère de demander aux internautes une contribution financière en échange de la légalisation du partage non-marchand.

Rechercher des « solutions fines »

« La problématique de l’équilibre entre les droits légitimes des auteurs et le besoin nouveau, mais aussi très légitime – extrêmement légitime, devrais-je dire – de voir l’information et la culture circuler très largement par voie électronique, sur Internet en particulier, est une problématique vraiment complexe et qui nécessite que nous recherchions des solutions fines » commente Luc Recordon, repris par Philippe Aigrain.

« J’ai essayé d’y contribuer, en proposant qu’on examine notamment des moyens plus forfaitaires, entre autres des reprises de montants sur les appareils et sur les abonnements, plutôt qu’on utilise strictement les voies du droit d’auteur classique, parce que ces dernières aboutissent maintenant généralement à des situations conflictuelles« , poursuit le conseiller des États, toujours cité par le cofondateur de la Quadrature du Net.

Quelles situations conflictuelles ? « Des procès assez pénibles et inutiles [qui] finiraient peut-être, suivant la manière dont on conçoit les choses, comme dans le cas de la loi Hadopi en France, par entraver la libre circulation de l’information et des produits de la culture« , précise Luc Recordon. Mais un tel dispositif peut-il voir le jour en Suisse ? Rien n’est moins sûr, à en croire le Conseil fédéral.

Les fortes réserves du Conseil fédéral sur la licence globale

Auteur d’un rapport sur les utilisations illicites d’œuvres sur Internet, le Conseil fédéral a listé plusieurs obstacles a une mise en place d’une licence légale, dont certains sont peut-être insurmontables. D’autant qu’il existe plusieurs dispositifs qui peuvent prétendre s’appeler ainsi. Citons le mécénat global, la contribution créative ou encore la licence globale obligatoire / optionnelle / à paliers.

En premier lieu, tout le monde ne souhaite pas nécessairement payer pour une activité – le téléchargement illicite d’œuvres sur les réseaux P2P – à laquelle tout le monde n’adhère pas. « Le forfait ne fait toutefois pas non plus l’unanimité » a estimé le Conseil, notant « qu’il n’est pas certain que le public accueille favorablement une telle solution« . Ces mécanismes sont jugés par certains comme « quelque peu injustes« .

En second lieu, la Suisse est tenue par des engagements internationaux. « Il faudrait s’assurer de la compatibilité d’une telle licence légale » avec le droit international. « Le droit de mettre à disposition des œuvres sur Internet est un droit exclusif aux termes des traités Internet de l’OMPI qui autorisent certes des restrictions et des exceptions mais uniquement à condition qu’elles se limitent à des cas spéciaux qui n’entravent pas une exploitation normale de l’œuvre« .

« Autoriser de manière générale la diffusion d’œuvres à des fins non commerciales équivaudrait à substituer une licence légale à un droit exclusif et dépasserait les limites de ce qui peut être considéré comme un cas spécial » a conclu le Conseil.

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