Envie de voir ou de revoir le combat de boxe du Français Alexis Vastine, dont on dit la victoire volée au bénéfice de l’Ukrainien Taras Shelestiuk (qui affrontera en demi-finale un boxeur britannique à la victoire elle-même contestée) ? N’espérez pas la trouver sur YouTube, pas même sur la chaîne officielle des Jeux Olympiques qui choisit ses rediffusions (et quand elles sont disponibles, l’embed est interdit).
Mise sous pression par le Comité International Olympique (CIO), la filiale de Google exerce un contrôle très étroit sur les vidéos publiées par les internautes, et supprime automatiquement toute diffusion des épreuves des JO. Même les extraits de quelques secondes sont purgés. Sachant que YouTube reçoit chaque minute plus de 72 heures de vidéo, on mesure l’exploit.
Si vous voulez revoir la course folle qui a permis à Florent Manaudou de devenir champion olympique du 50 mètres nage libre, il faudra vous contenter de cette vidéo, seule à être passée à travers les mailles du filet (l’astuce : filmer son téléviseur pour avoir une qualité de vidéo et de son tellement pauvre qu’elle n’alerte pas les systèmes de surveillance mis en place) :
https://youtube.com/watch?v=qlYcm3-vcew%3Frel%3D0
Idem pour regarder la course d’Usain Bolt, impossible à voir sur YouTube dans une qualité normale. Il faut ruser pour laisser une vidéo filtrer :
https://youtube.com/watch?v=zR_igv8G6As%3Frel%3D0
Sur la plateforme française Dailymotion, le constat est le même. Pas une seule image des épreuves ne semble disponible. Une recherche de l’expression « Jeux Olympiques » renvoie presque exclusivement à des vidéos du compte de France Télévisions, le diffuseur officiel en France. Même les chaînes d’info doivent se brider, à l’instar de BFM TV qui est obligée de diffuser un diaporama d’images fixes pour illustrer une interview de Tony Estanguet, triple médaillé olympique :
https://youtube.com/watch?v=dL9MdaSIm_E%3Frel%3D0
Pour revoir les épreuves en France, il faut se rendre sur le site de FranceTV Sport, et fouiller difficilement sur le site pour retrouver la discipline et l’horaire voulus. Pourtant, le Code du sport autorise la « diffusion de brefs extraits » des retransmissions par les « services de communication au public en ligne« , au nom de « l’information du public« . Mais dans sa grande sagesse, en février 2012, le législateur a confié au CSA le soin de réguler ce droit aux extraits sur Internet, ce qu’il n’a évidemment pas fait avant les Jeux Olympiques. Faute de cadre clair, la loi ne s’applique pas.
Médaille d’or de la privation de libertés
Ce contrôle étroit sur Internet, qui va jusqu’à interdire aux spectateurs de diffuser les photos ou vidéos qu’ils prennent dans les stades ou les installations olympiques, n’est que la partie émergée de l’iceberg sur lequel se brisent les libertés à Londres.
Le mois dernier, Le Monde racontait dans un long article comment, grâce à une loi spéciale votée en 2006, la capitale britannique a abandonné toute souveraineté au profit du CIO et de l’intérêt commercial des sponsors. Londres laisse une armée de 300 agents faire la police dans les commerces pour chasser toute utilisation des marques olympiques et préserver les exclusivités des financiers. Ici un charcutier doit retirer de sa vitrine une saucisse en forme d’anneaux. Là, un « Olympic Bar » est prié de changer de nom le temps des Jeux. Partout, les spectateurs sont priés de ne pas entrer dans les stades avec un t-shirt Nike, puisque c’est Adidas le sponsor officiel. Quand à McDonald’s, il a obtenu qu’aucun fastfood auprès des installations olympiques n’ait le droit de vendre des frites (!). Et tant pis pour les commerçants qui, parce qu’ils payent leurs impôts à Londres, ont aidé la ville à payer l’organisation des Jeux.
L’oppression au bénéfice des grandes marques privées, parfaitement démontrée par l’incontournable Lionel Maurel dans un billet de blog sur le « cauchermar cyberpunk » des JO de Londres, est aussi hallucinante qu’effrayante.
Et elle sera peut-être à Paris en 2024.
https://youtube.com/watch?v=NJT3VoCAgQk%3Ffeature%3Dplayer_embedded
(Illustration : Olympic Street Art)
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