Internet n'a jamais été mûr dans son développement, et pourtant le web n'a jamais été fragile. Il a suffi lundi d'un clic malheureux pour que des millions de liens diffusés notamment sur Twitter deviennent inutilisables.

C'est probablement la pire invention sur le web de ces dernières années, tant elle entraîne une énorme fragilité de ce qui est au fondement-même du web : les liens hypertextes. Pour rendre les liens plus digestes, des sites internet se sont montés dont la seule fonction est de raccourcir les URL, en proposant une URL alternative beaucoup plus courte, qui renvoie vers l'adresse d'origine par un mécanisme de redirection transparent pour l'internaute. Mais dès lors, des millions de liens de noms de domaine différents se retrouvent tous dépendants de la viabilité d'un seul nom de domaine, celui du raccourcisseur utilisé. S'il tombe, tous les liens tombent avec.

Or c'est exactement ce qui est arrivé lundi à Twitter. Pendant environ une heure, tous les liens postés sur le réseau social étaient inutilisables, et il n'était plus possible de publier de nouveaux liens. Twitter, qui était déjà largement dépendant de quelques services de raccourcissement d'URL comme Bit.ly ou TinyURL, a décidé l'an dernier d'imposer un seul prestataire de redirection, t.co, qui est son propre service interne. Mais hier, le service est devenu inactif, empêchant toute redirection des liens auparavant générés vers les URL d'origine, ou toute création de nouveaux liens.

Le problème est venu de Melbourne IT, le registrar choisi par Twitter pour administrer le domaine t.co. Un porte-parole de la société a expliqué à CNet qu'en voulant réagir à une plainte pour phishing, un employé a "placé par erreur le domaine t.co 'on hold'", c'est-à-dire qu'il a été provisoirement écarté de la hiérarchie du domaine de premier niveau, .co. En principe, il s'agit d'une mesure temporaire prise avant la suppression totale du nom de domaine, lorsque son propriétaire ne paye pas son renouvellement. Mais ici, il s'agissait d'une erreur humaine, qui n'a été détectée qu'après une grosse demie heure.

Cet épisode, qui n'aura heureusement duré que très peu de temps, illustre parfaitement le problème de la pérennité des liens raccourcis, qui avait poussé Archive.org à monter l'initiative 301Works en 2009. Les prestataires qui participent à 301Works donnent notamment à l'organisation le droit d'archiver les bases de données des services, pour se substituer aux raccourcisseurs en cas de défaillance. Mais contrairement à Bit.ly ou TinyURL, Twitter n'est pas membre de 301Works. Et quand bien même l'aurait-il été, le système n'aurait pas été suffisant. La duplication des bases de données n'est réalisée qu'une fois par mois, et Archive.org ne se substitue qu'en cas de défaillance grave, prolongée pendant deux mois (typiquement, en cas de fermeture du service d'URL raccourcies).

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