La ligne rouge est désormais tracée. Bruxelles laisse un mois à la France pour rétablir à 19,6 % la TVA sur les livres numériques. Dans le cas contraire, elle lancera une action auprès de la Cour de justice de l'Union européenne. La France défend de son côté le principe de l'équité de traitement entre les ouvrages dématérialisés et les livres imprimés, taxés à 7 %.

La loi est dure, mais c'est la loi. Telle est, en résumé, la position de la Commission européenne sur le taux de TVA actuellement en vigueur sur les livres électroniques vendus en France. Qu'importe si la législation en vigueur en Europe fait une distinction absurde entre les livres imprimés et ceux dématérialisés. La France doit se conformer à ses obligations communautaires en ajustant le taux de TVA à 19,6 %.

D'après les informations des Échos, Bruxelles a décidé de taper du poing sur la table contre l'Hexagone en lui envoyant mercredi un avis motivé pour contraindre le gouvernement à abandonner la TVA à taux réduit sur les e-books, actuellement à 7 %. Si cette mesure n'est pas effective d'ici un mois, alors une procédure sera engagée devant la Cour de justice de l'Union européenne.

Il faut dire que le bras de fer entre la France et la Commission européenne dure depuis maintenant quelques mois. L'affaire remonte au début d'année 2012. Soucieuse de rétablir l'équité entre le livre imprimé (dont la TVA est à 7 %) et le livre numérique, la précédente équipe gouvernementale a décidé d'abaisser ce taux à 7 % afin que cet impôt indirect n'entrave pas l'émergence de ce nouveau marché.

Le problème réside dans la nature du livre numérique. La Commission européenne ne l'a pas fait figurer dans la catégorie des secteurs pouvant bénéficier de la TVA à taux réduit. Pour modifier cette règle, il faut que les 27 membres de l'Union européenne se mettent d'accord – ce qui particulièrement difficile, tant les intérêts des pays européens peuvent être divergents.

À l'échelle européenne, il y a donc un problème d'harmonisation du taux de TVA. En Suède, la TVA appliquée aux livres numériques représente 25 % du prix de vente, alors qu'elle est de 21 % si le consommateur a l'intention d'acheter son ouvrage en Italie et 20 % au Royaume-Uni. Et pour ne rien arranger, l'actuelle majorité compte de son côté baisser encore un peu plus ce taux, pour atteindre 5,5 %.

Côté français, on expliquait début juillet que "juridiquement, le principe de neutralité fiscale devrait assurer un traitement équivalent pour les livres disponibles par voie de téléchargement et pour les livres imprimés sur papier, dès lors qu'ils présentent le même contenu. Ce principe impose que deux biens similaires ne puissent faire l'objet d'un traitement fiscal différent".

Dans cette affaire, les arguments avancés par la France et l'Union européenne sont clairement recevables. "Mais, dans une Union de droit, on ne règle pas les problèmes en allant contre la loi", explique une source européenne citée par Les Échos. "Notre ligne, c'est qu'il doit y avoir une neutralité du support technologique", estime la partie française.

Une porte de sortie existe pourtant. Selon la commissaire en charge de l'agenda numérique au sein de la Commission, Neelie Kroes, Bruxelles doit livrer l'an prochain ses propositions pour faire converger les taux de TVA entre les livres imprimés et les ouvrages numériques. Car à Bruxelles, on reconnaît bien volontiers que cette différence de traitement n'a plus vraiment de sens aujourd'hui.

Mais d'ici là, la France pourrait bien écoper d'une forte amende si la Cour de justice de l'Union européenne tranche avant qu'un consensus émerge en Europe.

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