Selon Le Figaro, François Hollande aurait assuré aux éditeurs de presse que la Lex Google qu'ils demandent à longueur d'éditoriaux sera adoptée par le Parlement dès le mois de janvier 2013. Il s'agit pourtant de la pire des lois jamais proposée pour réguler Internet, tant ses effets sont redoutables.

Ceux qui parlent de la Lex Google comme d'une loi instaurant une taxe sur le référencement des contenus produits par la presse se trompent de focale, et commettent une erreur lourde d'interprétation. Sauf à imposer une obligation d'indexation des journaux, ou sauf à ce qu'il y voit lui-même un intérêt, Google ne paiera pas un centime pour l'indexation de la presse. Il lui suffira de mettre à exécution sa menace de ne plus référencer les sites des quotidiens qui réclament paiement, et son carnet de chèques restera vierge.

Le problème posé par la loi défendue en bloc par la plupart des patrons de presse n'est pas qu'elle demande à Google de payer quelque chose. Si ce n'était encore que ça, ce ne serait rien. Ce n'est pas non plus que la presse se propose de partager entre quelques membres (et si possible dans une grande opacité) une somme qu'il serait tout aussi légitime de partager avec les blogueurs et autres journalistes amateurs. Nous en avons l'habitude.

La folie est que pour justifier juridiquement le paiement d'une taxe, le projet de loi pré-mâché par le lobby de la presse prévoit la création d'une interdiction nouvelle de "toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l'échange ou communication au public, y compris en ligne, de tout ou partie des contenus de presse édités sous (la) responsabilité (des organismes de presse)".

Il ne s'agit pas d'un nouveau droit d'auteur, mais de quelque chose de supérieur aux droits d'auteur qui existent déjà sur les contenus de presse, et qui s'imposera à tous en toutes circonstances, sans souffrir d'exceptions. Vous voulez citer un extrait d'article sur Wikipedia ? Interdit. Vous voulez reproduire une infographie pertinente sur votre blog, pour la commenter ? Interdit. Vous voulez réunir une revue de presse d'articles parlant de votre entreprise ? Interdit. Vous voulez citer un article pour en démonter les erreurs ou les parti-pris ? Interdit. Vous voulez photocopier ou imprimer un article pour votre propre usage privé ? Interdit. Interdit. Interdit.

Avec la Lex Google, Twitter n'aurait pas existé

Juridiquement, la Lex Google présentée par l'association de la presse d’information politique et générale (IPG) est d'une énorme dangerosité pour la liberté d'expression, mise au service de l'avidité de ceux qui prétendent la défendre.

Elle ne répondra pas au problème qu'elle est censée résoudre, mais créera de nouveaux problèmes qui dissuaderont toute innovation dans le domaine du partage de l'information. Avec la Lex Google, le Twitter qu'adore la presse n'aurait jamais existé. 

Malheureusement, l'histoire récente nous a appris que les mauvaises idées soutenues par de puissants lobbys trouvaient parfois écho chez des gouvernants prêts à foncer dans le mur avec eux. Que n'a-t-on prévenu que la loi Hadopi ne résoudrait rien à la question du piratage, et créerait en revanche une impossible obligation de sécurisation de l'accès à internet ; pour arriver trois ans plus tard au constat qu'il faut une nouvelle loi pour être efficace contre le piratage, et que la seule sanction a condamné un homme qui a eu le tort de ne pas avoir d'autorité sur sa femme.

Comme Hadopi avec le piratage, la Lex Google ne résoudra rien à la crise de la presse. Mais elle aura des effets de bord redoutables, qu'il est encore difficile d'évaluer tant ils seront d'une ampleur inédite sur Internet. Depuis plus de dix ans que nous couvrons l'actualité du numérique et de son traitement législatif, nous n'avons jamais vu proposition de loi plus idiote.

Et pourtant, selon Le Figaro, "François Hollande a pris fait et cause pour le projet de loi sur le partage de la valeur défendu par les éditeurs de presse". Ces derniers affirment même que le président de la République leur aurait promis une loi adoptée dès janvier 2013, devant le front commun établi en Italie, France et Allemagne !

Si François Hollande veut s'inscrire dans l'Histoire comme le fossoyeur d'Internet en France, il prend la bonne direction.

Le cas échéant, l'Histoire retiendra que c'est pour s'assurer les bonnes grâces de la presse dans une période d'impopularité record que le président de la République a accordé l'impensable à ceux qui (pensait-il) font et défont les opinions.

Tout le contraire d'un président courageux, visionnaire et responsable.

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