Le président de la République se place en arbitre dans le conflit entre Google et la presse, et menace de siffler la fin de la partie avec une loi si Google n'accepte pas de son propre chef de rémunérer la presse, selon les termes d'un accord privé qui promet de placer toute une partie des créateurs de contenus à l'écart…

Mise à jour – La perspective d'un petit arrangement entre amis se précise. À l'issue du Conseil des ministres, la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, a indiqué que l'exécutif préfère ne pas en passer par la loi pour résoudre le différend opposant la presse française à Google.

"À ce stade, nous voulons donner toute sa chance à la négociation directe entre l'entreprise et la presse et pour cela le gouvernement est même disposé à proposer le nom d'un modérateur qui puisse accompagner ces échanges", a-t-elle déclaré.

Sujet du 30 octobre – Après avoir reçu mardi le président de Google Eric Schmidt en présence de la ministre de la Culture Aurélie Filippetti et de la ministre de l'économie numérique Fleur Pellerin, le président de la République François Hollande a fait publier un communiqué dans lequel il dit souhaiter "que des négociations puissent rapidement s'engager et être conclusives d'ici la fin de l'année entre Google et les éditeurs de presse". La menace d'une loi obligeant Google à payer pour indexer les articles de presse plane cependant explicitement.

François Hollande "a souligné que le dialogue et la négociation entre partenaires lui paraissaient la meilleure voie, mais que si nécessaire, une loi pourrait intervenir sur cette question, à l'instar du projet en cours en Allemagne", a en effet prévenu l'Elysée. Hier, Le Figaro indiquait qu'en privé, François Hollande affirmait qu'une loi pourrait être adoptée dès le mois de janvier 2013.

Si l'on ne peut que se féliciter que la perspective d'une Lex Google s'éloigne, tant ses effets pervers sur la liberté d'expression sont redoutables, il n'est pas certain qu'un accord privé entre partenaires soit davantage souhaitable. Google, qui met déjà excessivement en avant les grands sites de journaux par rapport aux sites de moindre ampleur dans le cadre d'une stratégie globale de raréfaction de la diversité des sources, pourrait accepter de rémunérer quelques uns d'entre eux, pour éviter une loi qui aurait pour effet de tous les rémunérer. 

Transparence ou opacité

Se posera alors nécessairement la question de l'objectivité des critères de choix des organes de presse à rémunérer, et des critères de répartition des sommes à reverser. Si l'on considère que l'indexation des contenus doit donner lieu à rémunération (ce qui selon nous est une aberration, mais admettons), ce sont alors tous les contenus qui devraient être rémunérés pour leur indexation, et pas uniquement ceux d'organes de presse constitués en sociétés de presse. Or l'accord privé sera par définition privé, et donc très probablement secret, à l'instar des accords sur la numérisation des oeuvres dans le cadre de Google Livres.

Philippe Jannet, qui fait partie des principaux acteurs du lobbying de la presse en faveur d'une Lex Google, a d'ailleurs admis sur Twitter qu'il préférerait lui-aussi un accord privée avec Google. Lorsqu'un groupe de pression préfère un contrat à une loi, il faut se demander quels effets de la loi il souhaite éviter…

Or aussi redoutable soit-elle, la loi aurait au moins pour avantage de mettre les choses sur la place publique, et d'offrir des possibilités de recours devant le Conseil Constitutionnel et/ou le Conseil d'Etat, en cas d'atteinte à l'égalité des droits. Les blogueurs, notamment, auraient une chance de gagner en autonomie, en pouvant prétendre à la rémunération sans avoir à rejoindre une société de presse qui les placerait immédiatement en position de vassalité. Ils pourraient aussi exiger de la transparence dans les clés de répartition des redevances, et dans la définition des montants exigibles.

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